Espace de libertés | Décembre 2020 (n° 494)

L’homme derrière la plume


Des idées et des mots

Au fil des récits du personnage principal, Eric Blair, devenu George Orwell par pseudonyme, on comprend au travers de son histoire qu’il a goûté à la misère qu’il décrit sans détour, et avec une véritable conscience sociale. Car celui que l’on connaît surtout pour son chef-d’œuvre anticipateur, 1984, que l’on ne cesse de ressortir comme miroir à ce que nous vivons régulièrement en matière de surveillance, n’a pas écrit que ce brillant opus. Voyageur, journaliste d’immersion de surcroît (sur le front de la guerre d’Espagne notamment), il s’est frotté à d’autres mondes, dont celui des classes populaires. « Les derniers des derniers », ainsi qu’il les nomme avec un effroi qui demeure malheureusement contemporain. Sa conscience de classe l’emmène évidemment sur les fronts plus politiques, difficile de faire autrement, dans cette époque trouble où rivalisent les autocrates tels qu’Hitler, Staline, Franco… De quoi alimenter, forger, affiner sa conscience politique et sa critique envers les différents courants communistes, alors que cet homme ne cesse d’admirer « la grandeur des gens ordinaires » malgré l’accès aux classes plus aisées que lui prodigue son statut de journaliste et d’écrivain. Cette BD aux dessins réalistes et puissants (notamment grâce à l’emploi du noir et blanc) nous plonge littéralement dans l’histoire d’Orwell, passionnante et finalement si contemporaine à divers égards. Sa conscience aiguë des inégalités est portée par une plume visionnaire quant aux développements sociopolitiques et à l’usage d’une novlangue délétère pour les droits humains. (se)