Espace de libertés | Décembre 2020 (n° 494)

Art, nudité et féminisme ne font pas bon ménage quand il s’agit de rendre hommage, nous rapporte Le Devoir. Le mélange des trois provoque même des étincelles et quelques noms d’oiselles. Il faut dire que c’est avec une jeune femme nue aux proportions prétendument « parfaites », placée au sommet d’une gigantesque masse argentée en forme de tourbillon de courbes féminines que la sculptrice Maggi Hambling a choisi d’honorer la mémoire de Mary Wollstonecraft. Avec son livre paru en 1792, A Vindication of the Rights of Woman (Une justification des droits de la femme), cette dernière est considérée, outre-Manche et ailleurs dans le monde, comme « la mère » du féminisme. La statue inaugurée à Londres le 10 novembre dernier – et qui, soit dit en passant, a coûté la bagatelle de 143 000 livres sterling (soit environ 159 000 euros) – soulève deux grandes questions : pourquoi avoir représenté « une femme », et pas Mary Wollstonecraft elle-même, et pourquoi faire appel à la tradition du nu féminin, alors que l’hypersexualisation du corps des femmes et les diktats de la beauté sont précisément décriés par les mouvements féministes ? « De penser que tous ses accomplissements intellectuels soient réduits à une figurine nue de la taille d’une Barbie, c’est insultant », a commenté une historienne de l’art de l’Université de Montréal. Pour notre part, on se demande à qui la statue de Ken pourrait bien faire honneur. (ad)