La perte d’un être cher a de quoi désorienter les neurones qui cherchent réponse à la question de l’après. Elle a de quoi laisser les synapses a quia et les glandes lacrymales épuisées par les pleurs. Nombreux sont ceux qui, animés par une foi issue de la perspective de l’annihilation, affirment avec aplomb que le non-être n’existe pas, que l’être, le fragile et l’éphémère être qui passe puis trépasse, celui que la mort toujours menace, celui dont le crâne décharné inspira le dramaturge, que cet être serait éternel. Voilà bien la question. Ils vous affirment que la mort ne met nul terme à l’existence, que la fin est un début, une renaissance, une résurrection, une réincarnation. Appelez ces calembredaines comme vous voudrez. Ils vous abreuvent de mythes éculés et multiséculaires, de croyances déposées au fond des anciens sanctuaires, d’espérances eschatologiques qui sentent le bénitier visité par tant d’âmes venues se recueillir sur le triste sort de l’humain. Alors que vous vous asphyxiez et que vous vous noyez dans leurs vérités tombées du ciel, ils vous jettent à la face une vérité lue dans un Livre, bouée censée vous aider à surnager dans l’océan des invraisemblances. Un océan de promesses illusoires, de blandices superfétatoires, de fantasmagories enfantines, un océan dont les eaux glauques sont à ce point salées, comme disait Nietzsche, qu’elles en sont devenues imbuvables, même pour qui meurt de soif.
Moins nombreux sont ceux qui, le cœur léger, reconnaissent que l’être est et que le non-être n’est pas. Ce froid regard parménidien semble tellement évident qu’on ne comprend pas pourquoi c’est son affirmation contraire, mythique et religieuse, qui s’est imposée au cours des siècles. On ne le comprend pas, à moins de garder à l’esprit qu’une vérité triste, dès qu’elle est passée au prisme des manques humains, est aussitôt niée et sublimée en espoir qui, dit-on, fait vivre. Et pourtant, il se pourrait que la vérité soit triste, et qu’elle n’en reste pas moins véritable. Bien avant nous et bien mieux, de grands sages ont clamé que « ce qui est est, ce qui n’est pas n’est pas ». La simplicité de cette vérité fondamentale échappe à l’intelligence précisément parce qu’elle est trop simple et plus proche du réel que notre veine jugulaire ne l’est de notre cou. Affirmer que la fin est un recommencement revient à nier l’évidence en se réfugiant dans les bras de Dieu le Père. Si au moins c’était dans les bras d’une Déesse Mère, j’irais plus volontiers me blottir contre son sein. Les poils de barbe de Dieu ne m’ont jamais attiré.