Un mythe chinois raconte que dans un pays lointain vivait un chaman capable de ressusciter les morts. Au nord de cette contrée s’étendait le pays des femmes. On y trouvait une grande mare jaune. Lorsque les vierges du pays allaient s’y baigner, elles tombaient enceintes. Cette histoire de vierges fertilisées m’a fait songer à un autre récit, perse celui-là et ancien lui aussi. Il remonterait au IVe siècle avant notre ère, ce qui n’est pas un détail.
Le mazdéisme, religion messianique, annonce la naissance de trois Sauveurs attendus de mille en mille ans. Ils naîtront d’une vierge fécondée par la semence de Zarathoustra, miraculeusement conservée dans un lac où cette jeune fille viendra se baigner. Lorsqu’au IIIe millénaire après Zarathoustra naîtra le dernier de ces trois fils posthumes du prophète, le principe du Mal sera anéanti et le principe du Bien régnera seul sur un monde pacifié. Ce sera l’heure de la résurrection et du jugement dernier. Manifestement, le Rédempteur divin doit être conçu dans le sein d’une vierge. Reste une question : qui est ce chaman chinois capable de réveiller les morts ?
Les Évangiles sont tissés de vieilles croyances proches (et moins proches) -orientales où rivalisent les thaumaturges comme en connut tant le bassin méditerranéen au Ier siècle de notre ère. La palme revient sans doute au fils de la Vierge Marie, mais le Nazaréen rencontra quelques solides concurrents. À l’époque, posséder des pouvoirs magiques était presque monnaie courante. Même l’empereur Vespasien guérit un estropié et un aveugle d’un simple toucher et d’un peu de salive.
Le plus célèbre rival de Jésus en la matière fut sans conteste son contemporain Apollonios de Thyane, qui fréquenta la cour de… Vespasien. Sa naissance fut précédée par une annonciation faite à sa mère par un archange. Ce néo-pythagoricien fit des miracles dignes de figurer parmi les best of. De son vivant, il fut vénéré à l’égal d’un dieu et craint pour ses pouvoirs surnaturels. Il lisait dans les pensées et cumulait don de prophétie et d’ubiquité. Il volait dans les airs comme vous respirez, performance vraisemblablement acquise lors de son voyage en Orient auprès des gymnosophistes hindous et tibétains passés maîtres dans l’art de la lévitation. Néron, qui n’appréciait guère ce genre de magiciens, l’a banni de Rome le jour où il poussa la thaumaturgie jusqu’à ressusciter une jeune fille. Il disparut dans un éclair et après sa mort, il apparut à plusieurs de ses disciples. Les Pères de l’Église ont évidemment vilipendé Apollonios en décrétant que ses miracles ne pouvaient être que l’œuvre du démon. Alors que ceux du Christ, du même acabit, prouvaient bien évidemment son origine céleste. CQFD.