Brassant avec brio, tendresse, humour et réalisme la thématique de l’exclusion, « Binti », film belge et universel à destination des jeunes ados revendique aussi le droit inaliénable que devraient avoir tous les enfants de rêver.
Jeune ado d’origine congolaise, Binti habite depuis toujours en Belgique. Elle souhaite devenir célèbre grâce à son vlog, « Binti’s Bubble ». Mais son expulsion et celle de son père, Jovial, menacent de faire virer son existence au cauchemar. Elle ne voit plus qu’une solution au problème : son papa doit épouser la maman d’Elias, 11 ans, qui est Belge. Loin des comédies basses du front qui brodent souvent maladroitement autour de la thématique des mariages blancs, Binti vise juste et frappe fort. Sans aucune leçon de morale, et sans jamais se départir d’un sourire en passant.
Au royaume des rêves brisés…
La réalisatrice précise : « Binti a été élevée en Belgique, parle le néerlandais, et est parfaitement socialisée. Dans ce contexte, lorsqu’arrive la nouvelle d’une expulsion programmée, c’est une bombe qui explose et le monde qui s’effondre. Partant de là, mon héroïne peut donc difficilement se projeter et tenter de vivre, du moins en partie, les rêves de toute adolescente de 12 ans. »
« Papa dit que quand on n’a pas de papiers, on vit mais on n’existe pas. »
Car, au-delà d’un long métrage qui traite de l’exclusion, du déracinement et de l’injustice, Binti s’immerge aussi dans le monde des songes brisés. « J’ai, moi aussi, connu un certain déracinement. Mais pas de cette ampleur-là ! », précise la cinéaste. « Il m’a toutefois permis d’appréhender les ravages que peut causer une telle situation. Après ma formation dramatique aux États-Unis, j’ai dû quitter le pays pour un souci de visa. Mais, heureusement, et je pèse mes mots, je n’avais aucun projet de vie me poussant à rester là-bas. Quand on y réfléchit, c’est quand même fou de se dire que c’est précisément parce que je n’avais encore aucun rêve que je n’ai pas trop souffert de cette exclusion. Alors, oui, bien entendu, vu sous ce prisme, mon début de carrière m’a inspirée pour ce film… disons par ricochet. »
Et, si la jeune comédienne qui campe Binti (Bebel Tshiani) est encore une parfaite débutante, celui qui incarne son père (et est aussi son paternel dans la « vraie » vie), Baloji, peut, lui, déjà se targuer d’une solide carrière dans le milieu artistique. Côté cinéma, il a réalisé son premier court métrage (Kaniama Show) l’an dernier. Mais c’est surtout en musique que le gaillard est connu et reconnu. Notamment grâce à des albums solo qui ont cartonné aux quatre coins du monde, et pour avoir placé la Belgique sur la carte du rap avec le groupe Starflam.
Un film de combat
« Jouer un rôle, c’est accepter sa part d’enfance et faire semblant », lance-t-il. Au sujet de sa façon d’appréhender Binti en particulier, et le cinéma en général. « Et, pour faire semblant, les enfants sont experts en la matière. Ils ne se posent pas de questions et sont donc naturellement justes. Ce sont en fait eux qui portent ce projet ! » En résumé, pour Baloji, seuls les enfants seraient totalement capables d’un lâcher-prise sans limites. Donc, un acteur adulte devrait-il, lui, posséder un minimum de « vécu » en lien avec l’œuvre sur laquelle il travaille pour rester crédible ? « Je le pense, oui », lance Baloji. « À l’adolescence, ma “marâtre”, c’est-à-dire la femme avec laquelle vivait son père, à une époque où je ne connaissais pas ma vraie mère, m’a juste dit : “Je vais devoir me taper ce gosse dont je ne veux pas.” Résultat : même si mon histoire n’a pas concrètement grand-chose à voir avec celle de Binti, je sais ce que c’est que d’avoir de gros soucis à une période de la vie, l’adolescence, où l’on a justement besoin d’un maximum de repères. »
Et ce qui est raconté dans Binti le touche au plus haut point. « Je songe toujours aux gens qui n’ont pas bénéficié, comme moi, d’opportunités de se réaliser. Grâce à ma chance, je me bats peut-être plus. Donc, quelque part, je suis très attiré par un cinéma en partie de combat et en partie de divertissement. » Parce l’un n’exclut pas forcément l’autre. C’est ce que montre brillamment ce Binti dont l’onde de choc et les bonnes ondes poursuivent le spectateur bien après sa sortie de la salle.