La lutte contre le réchauffement de l’atmosphère est une priorité des Nations unies depuis l’adoption de la convention-cadre en 1992. Or, au fil des années, le mercure continue de grimper et les anomalies climatiques deviennent de plus en plus effrayantes. Les États démontrent-ils un réel entrain à s’attaquer ensemble au problème ? Si oui, pourquoi cette lenteur ? Comment renforcer la coopération pour lutter plus efficacement contre le phénomène ?
La COP21 à Paris, tout le monde en a entendu parler. C’était en décembre 2015. Les pays du monde entier se sont entendus sur un texte qui clarifie les grands axes d’action pour lutter contre le réchauffement. Véritable succès diplomatique que l’on doit tant au duo franco-péruvien qu’à l’entente sino-américaine, l’accord de Paris constitue cependant une étape nécessaire mais non suffisante de la lutte contre le réchauffement. Les efforts fournis actuellement par les pays ne suffisent pas à limiter le réchauffement à 2° C. Le constat scientifique est pourtant connu depuis de longues années.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a créé le Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (GIEC) en 1987, avec le mandat de faire rapport de l’état des connaissances scientifiques mondiales sur les changements climatiques. Par ailleurs, la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été adoptée en 1992 dans la foulée du Sommet de la Terre à Rio. Elle définit les grands principes de la lutte contre le réchauffement, parmi lesquels la responsabilité commune mais différenciée et la justice climatique envers les pays en développement (par l’instauration du principe de financement climat). Elle constitue donc le cadre d’action en la matière, au sein duquel la coopération internationale s’est progressivement installée.
Kyoto, là où tout a commencé
Le principe de responsabilité commune mais différenciée, et donc la reconnaissance des responsabilités distinctes entre pays développés et en développement (la convention-cadre allant jusqu’à les classer un à un) est une étape majeure. Sur cette base, les pays développés se sont en effet attelés à négocier un premier protocole international à la convention. Conclu lors de la COP3 en 1997 à Kyoto, il les engage à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 5 % sur la période allant de 2008 et 2012 par rapport au niveau de 1990. Les Nations unies chérissant le principe de souveraineté des États, jamais la dépendance aux énergies fossiles ne fut remise en question. Néanmoins, le protocole de Kyoto incarne le premier instrument de coopération entre États développés pour la lutte contre le réchauffement. Qui plus est, par son côté contraignant, il est assorti d’un mécanisme de suivi prévoyant des rapports réguliers et des sanctions.
L’adoption d’un tel mécanisme d’observance peut paraître exceptionnelle mais le revers de la médaille ne s’est pas fait attendre. Dans l’enceinte des Nations unies se côtoient des pays souverainistes qui défendent d’abord et avant tout leurs intérêts nationaux, et des pays qui jouent le jeu du multilatéralisme. Les souverainistes ont rapidement marqué leur désapprobation du protocole, avec d’abord les États-Unis qui ont rapidement fait savoir qu’ils choisissaient de ne pas le ratifier. La Russie a, quant à elle, fait durer le suspense, pour finalement le ratifier fin 2004, permettant son entrée en vigueur en février 20051. Alors que l’on pourrait croire que les États, satisfaits de cet accord international, se reposeraient sur leurs lauriers, il n’en fut rien : le protocole de Kyoto à peine entré en vigueur, les États du monde entier ont défini, fin 2007, une feuille de route visant à conclure un accord mondial pour le climat fin 2009, lors de la COP15 à Copenhague. Cet accord mondial aurait dû entrer en vigueur en 2012, à la suite du protocole de Kyoto. Quinze années s’étaient déjà écoulées depuis l’adoption de la convention-cadre et le problème ne faisait qu’empirer. Par ailleurs, de nombreux contextes nationaux avaient évolué, en particulier dans les grands pays émergents. Il était devenu absolument nécessaire d’impliquer tout le monde dans la lutte contre le réchauffement, et donc de conclure un accord mondial. Mais comment y parvenir ?
L’échec de Copenhague
Fort d’un mandat de négociation de deux ans, le secrétariat des Nations unies s’est lancé corps et âme dans le processus, pensant que la technique du protocole de Kyoto pourrait être répétée. Concrètement, celui-ci a défini un objectif mondial partagé entre les États. En contrepartie, des mécanismes de flexibilité ont été instaurés pour faire en sorte que les émissions des pays développés ne dépassent pas les quantités attribuées. Ce partage des émissions était négociable entre les 38 pays ciblés par le protocole de Kyoto, mais peu réaliste pour une négociation entre 196 États. Pour les pays souverainistes, parmi les pays développés (États-Unis en tête) comme parmi les pays en développement (Chine en tête), définir un objectif mondial à se répartir était une option difficilement acceptable. Aussi, malgré d’intenses efforts et une pression populaire très forte, les négociations de l’accord mondial ont échoué lors de la COP15 à Copenhague.
Une action insuffisante
Pour sauver la face et le processus multilatéral, une poignée de chefs d’État et de ministres ont rédigé un accord de Copenhague durant la dernière nuit de négociations. Ils s’y engagent à communiquer aux Nations unies leurs politiques climatiques. Sur cette preuve de bonne foi, les pays ont adopté l’année suivante un mandat de négociation de quatre années pour aboutir à la conclusion d’un accord mondial qui engagera l’ensemble des parties. La méthode pour y parvenir ne sera désormais plus de fixer un objectif mondial de réduction des émissions à répartir entre États, mais bien de limitation du réchauffement. C’est ainsi que l’objectif de « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels » et de poursuivre « l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C » est devenu le cap de l’action climatique.
L’accord de Paris est entré en vigueur en novembre 2016 mais ne sera pleinement mis en œuvre qu’en 20202, lorsque tous les cadres d’action auront été clarifiés3. Pour parvenir à l’objectif de 2° C, les États communiquent leurs politiques climatiques aux Nations unies et tous les cinq ans, un bilan mondial est réalisé, suivi d’une révision à la hausse des contributions nationales. Ainsi, fin 2018, la COP24 s’est terminée sur l’engagement à réviser à la hausse les contributions nationales d’ici 2020. L’accord de Paris est « légalement contraignant » : il engage l’ensemble des pays qui l’ont ratifié mais ne comporte pas de mécanisme de sanction. Aurait-on pu obtenir un accord mondial avec un mécanisme de sanction ? La question reste ouverte mais l’attitude des pays souverainistes dans la lente construction de la coopération multilatérale laisse à penser que non.
En conclusion, le cadre multilatéral semble in fine bien faible pour s’attaquer réellement au problème du réchauffement. Les processus sont extrêmement lents mais ont le mérite d’exister. La pression populaire mondiale reste essentielle pour exiger des États qu’ils définissent des politiques nationales plus ambitieuses. En attendant, l’accord de Paris a signé la fin du pétrole, du gaz naturel et de la houille, et le monde est en train de s’en affranchir. En témoignent la capacité installée de production d’énergies renouvelables ou l’ampleur du mouvement de désinvestissement des énergies fossiles4.
1 L’adhésion russe a permis d’atteindre le quota requis de 55 % des émissions mondiales, condition nécessaire pour l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto.
2 Entre-temps, le protocole de Kyoto a été prolongé pour une seconde période, de 2012 à 2020, et le Japon, le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Russie en ont profité pour se retirer.
3 De gros dossiers restaient à négocier, suite à la COP21. Pour en savoir plus sur l’accord de Paris, voir « Après Paris, la fin des énergies fossiles ? », article paru dans Le Point Sud et mis en ligne le 14 octobre 2016, sur www.cncd.be.
4 Lire Fanny Lajarthe et Edwin Zaccai, « Le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles : une nouvelle phase de mobilisation pour le climat ? », paru dans VertigO, la revue électronique en sciences de l’environnement, mis en ligne le 13 mars 2017, sur https ://journals.openedition.org.