Dans la série récente d’enquêtes cherchant à comprendre la réalité de l’emprise islamiste sur certains quartiers de France et de Belgique, cet ouvrage est le premier réalisé, non pas par des journalistes, mais par un collectif d’universitaires en sciences sociales. Il traite d’abord des idéologies : les divers mouvements islamistes à l’œuvre, une étude sur le contenu des livres en français sur l’islam, les liens complexes entre islamisme et mouvement « décolonial », les querelles internes au salafisme et la présence des militants sur les réseaux sociaux. Suit une série d’études de cas, examinant l’installation et la prise de contrôle progressive sur certains quartiers de villes françaises et belges par des mouvements islamistes. Ces chapitres sont de qualité variable, selon le thème et les auteurs. Cependant, ceux consacrés notamment à Toulouse, Molenbeek, Aubervilliers ou Mantes-la-Jolie analysent finement la manière dont des « entrepreneurs religieux » ont exploité la vulnérabilité de populations touchées par la paupérisation et la marginalisation économique et sociale pour imposer une version très rigoriste de l’islam. Le chapitre sur Toulouse, très détaillé, montre le lien entre l’installation précoce d’une cellule militante, l’influence sur le quartier et le basculement dans le terrorisme. L’ouvrage précise qu’est analysé non pas « l’islam en soi, mais […] sa traduction idéologique actuelle : l’islamisme », dont les auteurs montrent la diversité, tant au niveau des organisations que de leur idéologie et de leurs modes d’action. À ce propos est soulignée la « très grande plasticité tactique de l’islamisme », capable d’utiliser un discours très éloigné de lui quand cela sert son intérêt. Si ce livre a été accueilli par des polémiques, il ne s’agit pas d’un pamphlet, mais bien d’une contribution à la création d’un savoir objectif sur ce qui se passe réellement dans certains quartiers. À ce titre, il comble un vide évident et constitue une lecture utile pour tenter de comprendre la réalité vécue par les habitants. (ff)