Espace de libertés – Novembre 2015

Réfugiés: actions laïques à Charleroi


Libres ensemble
Afin de mettre en pratique les idéaux qu’il défend, le CAL/ Charleroi, avec l’aide d’autres acteurs socioculturels de la région, a décidé d’organiser une grande collecte à destination des réfugiés qui rejoignent actuellement notre pays. L’objectif poursuivi est d’apporter une aide concrète afin de pouvoir mieux penser les actions futures au regard des réalités vécues par ces personnes démunies.

Charleroi, ce n’est un secret pour personne, est une ville qui a souffert. Ancien bassin sidérurgique, le Pays Noir est, et restera encore, pendant les prochaines décennies, un endroit où se réunissent souffrances culturelles, sociales et financières. En tant que régionale du Centre d’Action Laïque, notre préoccupation première a toujours été de travailler en réponse aux réalités vécues par les personnes résidant sur notre territoire. Pour ce faire, en développant notre action dite d’ »assistance morale », depuis toujours, nous nous sommes donnés pour mission de venir en aide aux plus désœuvrées. Également, en prenant en considération la réalité carolo –celle d’une ville qui s’est construite sur l’intégration d’un grand nombre de personnes directement issues de l’immigration–, nous avons toujours eu à nous positionner en soutien aux individus et en opposition aux préjugés. Par de nombreux cycles d’activités, au travers de partenariats, en allant à la rencontre des publics les plus fragilisés et en organisant des événements culturels, des rencontres ou des expositions, sans cesse, nous tentons de déconstruire les idées préconçues qui, aujourd’hui encore, sont véhiculées à l’égard de celles et ceux qui –malgré le fait qu’ils et elles vivent sur le territoire belge– sont nés ailleurs. Par-delà ces actions et ces rencontres, en nous soustrayant aux valeurs qui ont donné vie à notre mouvement, ce qui nous motive à continuer à agir de la sorte, c’est notre croyance en l’importance et en l’universalité des droits de l’homme.

À quoi ressemblerait un mouvement qui défend les droits de l’homme s’il ne vient pas en aide à ceux qui en ont besoin?

Alors que les nobles révolutions et les inquiétantes déclarations de guerre, plutôt que d’aboutir à des démocraties, donnent malheureusement naissance à des tyrannies religieuses, le Moyen-Orient subit actuellement une crise humanitaire d’une ampleur telle qu’elle exacerbe l’individualisme et le racisme occidental. Des candidats réfugiés se présentent aux portes de l’Europe et tentent, malgré les obstacles présents sur leur chemin, de trouver assistance dans nos pays récalcitrants. Des barrières se dressent, des murs se construisent, les mentalités se durcissent et, pendant ce temps-là, des gens souffrent et meurent alors que l’humanisme, hélas, s’efface au pro t de l’égoïsme.

Des actions pour donner du sens aux valeurs

Face à cette situation, riches des actions que nous avions déjà menées par le passé, porteurs des idéaux qui découlent de notre adhésion aux droits de l’homme, défenseurs de l’humanisme et fervents opposants au racisme et aux préjugés stériles, nous avons décidé de nous mobiliser pour apporter une aide concrète à ces personnes qui fuient la barbarie. Le mouvement laïque n’est pas connu pour ses aptitudes à faire preuve de « charité », mais en attendant de pouvoir mettre en place des interpellations politiques, avec l’aide et le soutien de nombreuses autres institutions hainuyères, nous avons lancé une grande collecte à destination des centres qui accueillent les réfugiés. Vêtements, nourriture, livres, jouets… nous récoltons tout ce que les citoyens de nos régions acceptent de nous transmettre et, ensuite, en concertation avec Fédasil et la Croix-Rouge, nous redistribuons le tout en fonction des besoins des uns et des autres.

La laïcité, symbole du rationalisme et de la pensée éclairée, s’emploie quotidiennement à encourager le débat en menant des actions dont l’objectif premier est d’éveiller les consciences. Nous nous inscrivons dans cette vision, relativement idéaliste, selon laquelle il suffirait que le peuple pense pour qu’il découvre les bienfaits de l’humanisme. Nous chérissons l’idée d’une éducation qui poserait les bases par lesquelles nous parviendrions à vivre et agir ensemble dans une société égalitaire et solidaire où chacun se sentirait libre d’être ce qu’il est. Or, les idéaux n’acquièrent leur pertinence que dans la mesure où ils sont mis en pratique. À quoi ressemblerait un mouvement qui défend les droits de l’homme s’il ne vient pas en aide à ceux qui en ont besoin? Que penserait-on d’une structure qui se prétend solidaire si, de solidarité, elle ne parvient pas à se montrer capable? Quelle image renverraient nos idéaux si, nous-mêmes, nous n’avions pas les moyens de les mettre en œuvre?

Penser pour mieux agir, agir pour mieux penser

Par ailleurs, toute pensée se doit d’être structurée si on a l’ambition de la considérer comme étant le reflet d’une réalité quelconque. Le souci des penseurs, c’est qu’ils ont cette fâcheuse tendance, comme Zarathoustra qui rejoint sa montagne en réalisant qu’il n’arrive pas à communiquer avec ses semblables, à évoluer dans des sphères trop éloignées des réalités quotidiennes qu’ils essayent d’appréhender. Pouvoir objectiver ses idéaux pour parvenir à en démontrer la véracité en ayant recours à des arguments les plus objectifs possible n’est pas suffisant que pour faire en sorte qu’ils soient entendus et portés par l’ensemble des citoyens qui composent une société. Il ne suffit pas de penser si on veut être acteurs de changement. Il est nécessaire d’agir si on veut montrer que les idées peuvent s’incarner, et ce, même s’il est indispensable de réfléchir aux actions qui sont menées afin qu’elles rencontrent les préoccupations des personnes auxquelles elles s’adressent.