Espace de libertés | Octobre 2014 (n° 432)

Nous sommes tous des femmes espagnoles


Édito

En ces périodes où l’obscurantisme ambiant, savamment alimenté par des fondamentalistes en mal de pouvoir, fait plus souvent qu’à son tour la Une des gazettes, cette info venue d’Espagne n’est pas passée inaperçue: le gouvernement vient d’enterrer le projet de loi qui prévoyait d’interdire à nouveau aux femmes espagnoles d’avorter librement.

Rappelez-vous, c’était en mars dernier. Le gouvernement conservateur ibérique envisageait d’interdire à nouveau l’avortement, poussé il est vrai par une frange du clergé restée nostalgique d’un passé que les Espagnols préfèrent oublier mais qui rejaillit de temps en temps comme la lave d’un volcan mal éteint; le juge Garzon peut en témoigner, lui qui avait osé braver l’omerta législative de l’État sur la période franquiste. Porté par son enthousiasme, le Premier ministre Rajoy annonçait même son intention de porter ce combat dans l’Union européenne afin de faire reculer le droit à l’avortement dans tous les États membres.

La volte-face annoncée le 23 septembre démontre que la mobilisation des associations, des élus progressistes et des citoyens concernés, qui paraît souvent dérisoire face à la lourde machine conservatrice, permet de gagner des combats. En l’occurrence, la victoire ici est celle des «petites gens», et surtout des femmes, que la précarité de la vie expose plus que d’autres aux aléas de l’existence comme les viols, les grossesses non désirées et de piteuses conditions sanitaires. Loin de la réalité feutrée des salons des puissants, les femmes qui sont souvent seules à porter la désespérance d’un peuple aux prises avec une crise dramatique paient au prix fort les conséquences du chômage, de la paupérisation et du manque d’éducation. Alors qu’elles ont lutté comme les autres, si pas davantage, pour conquérir des droits qu’une longue dictature avait rendus plus difficiles à obtenir qu’ailleurs.

Ceux qui refusent qu’un dogme gouverne la vie des gens, ceux qui croient dans la démocratie et dans la force du peuple souverain doivent se réjouir de cette reculade d’un gouvernement face à la voix de la raison. Sachons nous en inspirer pour garder confiance dans tous nos engagements à l’encontre des forces obscures et ne jamais relâcher la garde de notre vigilance.