Derrière la façade moderniste de François 1er, les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation sont nettement moins progressistes…
Une assemblée extraordinaire aura lieu du 5 au 19 octobre 2014 à Rome. Consacré aux «défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation», ce sera le premier Synode du pontificat du pape François. Une procédure sans précédent, puisque toutes les paroisses du monde ont été sollicitées pour répondre à un questionnaire ayant trait au mariage, à la contraception, à l’homosexualité, à la sexualité hors mariage, et au droit à la communion pour les divorcés remariés.
L’Instrumentum laboris1 tente un effort de synthèse de ces réponses en indiquant directement que la famille est la «cellule vitale de la société et de la communauté ecclésiale».
Et ceci avec un rôle clair assigné aux parents: «Ils ont un rôle irremplaçable à jouer dans la formation chrétienne des enfants en lien avec l’Évangile de la famille.» La famille ne «vaut» donc que par le rôle qu’elle joue dans la société. Un rôle compris par le secrétariat général du Synode des évêques comme celui d’un relais puissant et d’un acteur d’évangélisation.
Lors d’un précédent synode en 2012, touchantes retrouvailles ou conseils stratégiques ? © Andreas Solaro/AFP
Dès lors, pour le secrétariat général du Synode des évêques, «un des grands défis de la famille contemporaine consiste dans la tentative de sa privatisation». À savoir, il est inimaginable pour le clergé d’envisager des hommes et des femmes maîtres de leur destin. Des hommes et des femmes qui auraient simplement envie d’organiser leur vie privée comme ils l’entendent. Non, ils ne s’appartiennent pas, ils ont un rôle avant tout.
La loi naturelle: base de tout le reste…
Ces «obstacles» sont, selon ce texte, en porte-à-faux avec la «loi naturelle». Cette «loi naturelle», lorsqu’elle appliquée au mariage, donne ceci: «Il existe donc, en vertu de la tradition, de la culture et de l’intuition, un désir de maintenir l’union entre l’homme et la femme.» La loi naturelle est donc universellement acceptée «de fait par les fidèles, sans nécessairement être théoriquement justifiée». Cette vision étriquée et figée est, selon le secrétariat général du Synode des évêques, aujourd’hui mise en danger par différents facteurs:
- La science
«Aujourd’hui, non seulement en Occident, mais progressivement partout sur la terre, la recherche scientifique représente un défi sérieux au concept de nature. L’évolution, la biologie et les neurosciences, en se confrontant à l’idée traditionnelle de loi naturelle, en arrivent à conclure qu’elle ne doit pas être considérée comme “scientifique”«.
- Les droits de l’homme
«La notion de “droits de l’homme” est, elle aussi, généralement perçue comme un rappel à l’autodétermination du sujet, mais qui n’est plus ancrée à l’idée de loi naturelle. À cet égard, beaucoup font remarquer que les systèmes législatifs de nombreux pays se trouvent à devoir réglementer des situations contraires à l’ordre traditionnel de la loi naturelle (par exemple, la fécondation in vitro, les unions homosexuelles, la manipulation d’embryons humains, l’avortement, etc.)».
- La «théorie du genre»…
«C’est dans ce contexte que se situe la diffusion croissante de l’idéologie appelée gender theory ou théorie du genre, selon laquelle le genre de chaque individu n’apparaît plus être que le produit de conditionnements et de besoins sociaux, cessant ainsi de correspondre pleinement à la sexualité biologique».
Cette attaque classique du clergé catholique contre le gender ne doit pas nous faire passer à côté de l’essentiel: la loi naturelle est dans l’esprit des auteurs de ce texte uniquement la sexualité biologique ce qui est d’ailleurs bien indiqué dans le sous-titre suivant intitulé «Contestation pratique de la loi naturelle sur l’union entre l’homme et la femme». Chapitre dans lequel on peut lire que lesdites contestations «proviennent de la pratique massive du divorce, du concubinat, de la contraception, des procédés artificiels de procréation et des unions homosexuelles»… Plus loin, c’est «la mentalité contraceptive diffuse» qui est liée au Gender lequel sera défini comme suit: ce qui «qui tend à modifier certains éléments fondamentaux de l’anthropologie, notamment le sens du corps et de la différence sexuelle», ce qui amène alors à «la subversion de l’identité sexuelle».
Toutes les paroisses du monde ont été sollicitées pour répondre à un questionnaire ayant trait au mariage, à la contraception, à l’homosexualité, à la sexualité hors mariage, et au droit à la communion pour les divorcés remariés.
À nouveau, par petites touches, se redessine le classique discours de l’église contre les méthodes de contraception et tout ce qui «sort» de «leur» schéma familial. Bref, tout est dit en ces quelques mots par les éternels experts de cette identité sexuelle…
Cette brève analyse de ce que qui cause des «soucis» au secrétariat général du Synode des évêques fait froid dans le dos. Science, droits de l’homme ou élimination des discriminations à l’égard des femmes… Bref, en gros tout ce qui constitue les avancées du siècle dernier pour arriver à un monde plus harmonieux où chacun est à même de poser ses choix de vie, de rêver à son amélioration sans s’aliéner ou heurter les autres.
Être différent?
Mais pire et, au fond, sans surprise, la lecture de ce document laisse aussi apparaître, incidemment, au détour d’une phrase, la véritable perception de l’homosexualité par le secrétariat général du Synode des évêques. Dans un passage sur le rôle de l’école, il est écrit que «dans les écoles ou dans les communautés paroissiales, il faudrait mettre en œuvre des programmes de formation pour proposer aux jeunes une vision adéquate de la maturité affective et chrétienne, cadre servant à affronter aussi le phénomène de l’homosexualité».
L’homosexualité est donc un «phénomène» à «affronter»… Rien de neuf en réalité sous le soleil du Vatican, le langage guerrier a encore de beaux jours devant lui…
Et l’école là-dedans?
Et, alors que les humanistes ont tout fait pour bénéficier du poste de ministre de l’Enseignement obligatoire et des Bâtiments scolaires, nous ne pouvons négliger ce que le secrétariat général du Synode des évêques exprime comme souhait en la matière.
On peut ainsi lire le délire suivant: «Dans certaines régions, [la promotion de l’idéologie du gender] tend à influencer jusque le milieu éducatif primaire, diffusant une mentalité qui, derrière l’idée de faire disparaître l’homophobie, propose en réalité une subversion de l’identité sexuelle.»
Bref, on pervertit nos mômes dès le plus jeune âge et il s’agit alors pour le Secrétariat général du Synode des Évêques d’y «faire face» et ce «particulièrement dans les pays où l’État tend à proposer, dans les écoles, une vision unilatérale et idéologique de l’identité de genre». Serions-nous visés avec notre revendication de l’ÉVRAS? Le secrétariat général du Synode des évêques surferait-il sur les polémiques françaises du printemps?
Et pour ce combat, ne l’oublions pas, le Vatican a un outil: son propre réseau scolaire car «les écoles catholiques, à leurs différents niveaux, jouent un rôle important dans la transmission de la foi aux jeunes et sont d’une grande aide pour la tâche éducative des parents […] En ce sens, l’école catholique exprime la liberté d’éducation, en revendiquant la primauté de la famille comme vrai sujet du processus éducatif, auquel les autres figures qui entrent en jeu dans l’éducation doivent concourir».
Ainsi, par le biais de l’idéologie du genre et en passant par l’éducation sexuelle, le secrétariat général du Synode des évêques en arrive au rôle de l’école et, surtout, à la mission qu’il lui assigne: refuser toute évolution sociétale qui viendrait perturber son propre schéma de pensée…
Bref, de quoi militer avec encore plus d’ardeur pour le réseau unique!
Pour conclure
Cependant, c’est au détour d’une phrase que l’on peut se rendre compte tant du dessein général du Vatican lorsqu’il décide d’organiser ce Synode que de ce qui nous sépare irrémédiablement d’eux. Le secrétariat général du Synode des évêques indique en effet que les réponses reçues «soulignent, surtout en Occident, une privatisation de la vie, de la foi et de l’éthique: la conscience et la liberté individuelle se voient conférer le rôle d’instance absolue des valeurs, qui détermine le bien et le mal».
Voilà ce qui leur fait peur et qui, pour nous, est notre raison d’être. Et, à lire ces documents, cela reste plus que jamais un combat.