Vulnérables parmi les vulnérables, puisqu’ils ne peuvent pas se défendre seuls, les enfants sont particulièrement touchés par la crise et risquent de l’être encore davantage si la pandémie persiste. Aujourd’hui, 1,2 milliard d’entre eux sont en situation de pauvreté. Et celle-ci a fortement augmenté ces derniers mois, faisant craindre à l’Unicef que cette crise sanitaire se transforme aussi en crise des droits des enfants.
La pandémie de coronavirus et les mesures de confinement ont fait basculer 150 millions d’enfants supplémentaires dans la pauvreté, selon une analyse du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et Save the Children. Privés de services élémentaires, entre autres à cause des perturbations touchant les chaînes d’approvisionnement ou de vaccinations, les enfants se voient menacés en ce qui concerne la nutrition, de leur santé (pas uniquement la Covid, mais aussi dans la protection contre des maladies récurrentes comme la pneumonie, le paludisme ou la diarrhée), de l’accès à une eau potable, ce qui accroît les risques de mortalité.
Une précarisation de nature multidimensionnelle, car ce n’est pas seulement la privation de nourriture ou de logement, dont souffrent les plus jeunes, mais aussi un manque d’accès aux soins de santé et à l’éducation. Pour 45 % des enfants repris dans les données de cette étude portant sur 70 pays, ils sont même « gravement privés » de certains besoins essentiels. Et selon l’Unicef, cette situation risque encore de s’aggraver, alors que l’état des lieux s’améliorait quelque peu ces dernières années.
Privation scolaire et répercutions
Même si le taux de pauvreté explose, la précarisation n’est cependant pas que d’ordre monétaire. Parmi les répercussions découlant de la privation d’éducation, on relève notamment que les enfants concernés sont plus susceptibles d’être contraints de travailler. Une étude publiée par l’Organisation internationale du travail (OIT) indique qu’alors que le nombre d’enfants contraints de travailler dans le monde diminuait (de 94 millions depuis 2000), la pandémie saborde cette avancée. Car un enfant qui ne va pas à l’école, c’est aussi une nouvelle bouche à nourrir puisque dans de nombreux pays, on incite à la fréquentation scolaire en proposant des repas aux enfants qui se rendent à l’école. Or, ces derniers mois, les fermetures d’écoles ont perturbé la scolarité de plus de 1,57 milliard d’élèves sur la planète. « Quand on voit l’impact sur ce que nous avons appris d’Ebola en Afrique de l’Ouest, c’est que la fermeture des écoles n’est pas toujours saine pour les enfants. Pour de nombreux enfants pauvres qui ne vont pas à l’école, ne pas avoir le seul repas disponible par jour qu’ils reçoivent à l’école est un énorme défi », a expliqué Dr Luwei Pearson, cheffe par intérim de la section de la santé à la Division des programmes de l’Unicef.
Les fillettes, plus exposées
Quelque 9,7 millions d’enfants pourraient d’ailleurs ne jamais retourner à l’école après la pandémie, avec les conséquences structurelles que cela induit sur leur futur. Pour les petites filles, la privation scolaire aggrave encore le risque d’être soumises à des mariages précoces avec un chiffre estimé de 2,5 millions en plus de fillettes mariées de force et un accroissement d’un million d’adolescentes enceintes. Selon certaines estimations, un lockdown de six mois aurait également comme répercussion d’entraver l’accès à une contraception moderne, accroissant encore les grossesses non désirées chez 7 millions de jeunes femmes. D’après un autre rapport qui vient également d’être publié par Save the Children, 2020 risque d’être une année marquant un véritable retour en arrière pour les filles. Dans cette catégorie d’âge, tout comme pour leurs aînées, la Covid exacerbe les inégalités genrées.
Comme le rappelle l’association Save the Children, « à moins d’être atténuée, la pandémie risque de saper les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable et met toute une génération d’enfants à risque de ne pas réaliser leur potentiel ». Une attention particulière doit urgemment être portée sur ce public plus fragile et susceptible d’atteindre un niveau de précarité dramatique.