Espace de libertés | Novembre 2020 (n° 493)

L’herbe… plus verte (Sarah Fautré)


Opinion

Est-il pertinent de pénaliser la consommation du cannabis ? D’aucuns en doutent, surtout que les modèles alternatifs existent pour appréhender cette question, à la place d’une prohibition qui ne fonctionne de toute façon pas ! Quels sont ces modèles ? Sarah Fautré, coordinatrice à la Liaison antiprohibitionniste, évoque ces pistes à la suite de la parution de la brochure «Quand l’herbe est plus verte ailleurs ».

« Cette étude s’adresse autant aux responsables politiques et aux intervenant.e.s du secteur assuétudes qu’à la population – qu’elle soit concernée ou non par l’usage de drogues – car sa conscience citoyenne ne peut demeurer indifférente aux choix de société et aux coûts (sanitaires, financiers, humains, sécuritaires…) impliqués par la prohibition des drogues. Bien qu’il soit inscrit dans les conventions internationales, qu’il soit appliqué avec une rigueur variable mais parfois extrême sur l’ensemble de la planète, le régime prohibitionniste n’a jamais réussi à éradiquer, réduire, ni même endiguer la consommation de produits psychotropes illicites. Nombre d’études montrent, au contraire, que ce régime a tendance à favoriser les consommations problématiques et les trafics mafieux.

L’idée d’un monde sans la moindre drogue est illusoire. Il n’adviendra jamais et certainement pas en continuant à privilégier la répression de l’offre afin de faire diminuer la demande. La stratégie actuelle de lutte contre le trafic de stupéfiants suppose qu’il est possible de réduire la demande en limitant l’offre. La réalité et l’histoire nous enseignent tout autre chose. En effet, l’illégalité du cannabis n’a pas empêché sa marchandisation, et celle-ci s’est réalisée sans considération éthique ni de santé publique ou de respect des droits humains. Le marché du cannabis est aujourd’hui à l’image de la guerre faite à la drogue : un marché totalement dérégulé, violent, dommageable sur les plans social et sanitaire.

Pourtant, d’autres possibilités existent. Notre association ne souhaite pas se positionner sur un modèle idéal, car comme nous l’écrivons dans notre conclusion, la consommation de drogues est un phénomène profondément culturel et un modèle valable dans un pays ne l’est pas forcément dans un autre. Pour sa dimension collective et non marchande, nous sommes favorables à la mise en place de Cannabis Social Clubs tels qu’on en trouve en Espagne ou en Uruguay. Même si les modalités de fonctionnement ne sont pas les mêmes dans les deux pays, il s’agit d’un modèle qui nous semble prometteur. Il a déjà fait ses preuves en Belgique mais les personnes impliquées dans ces ASBL sont encore criminalisées. »