Espace de libertés – Janvier 2017

Les athées sont-ils immoraux?


Droit de suite

C’est en tout cas l’argument massue qui a longtemps couru à l’encontre des « sans-Dieu ». L’idée remonte à l’Antiquité, elle n’est donc pas neuve, comme le rappelle la philosophe de l’UMons Anne Staquet dans l’article qu’elle signe dans ce livre collectif, fruit d’un colloque tenu en 2015 par l’Association belge des athées. Diopeithès, Plutarque, Pascal, Voltaire (mais oui), Dostoïevski, on en passe et des meilleurs: la liste est longue de ceux qui ont apporté de l’eau à ce moulin.

Pour de nombreux censeurs de tout poil, la question fut longtemps de savoir si l’absence de croyance religieuse dans le chef d’un individu était en soi constitutive d’un manque total de valeur morale. Et, partant de là, une monstruosité dûment punissable. Mais l’interrogation allait finir par se renverser, en tout cas pour certains esprits un peu plus libres que d’autres. Comme se le demandait déjà Thomas Hobbes au XVIIe siècle, y a-t-il en effet un acte criminel qui n’ait pas été commis par des gens parce qu’ils étaient chrétiens? Aujourd’hui, on pourrait sans doute ajouter bien d’autres confessions pour être un peu plus complet. Anne Staquet de conclure que « si les croyants sont capables des actions les plus horribles et les plus perverses, il va de soi que la croyance ne garantit nullement la vertu ». Ni d’ailleurs l’adhésion à l’idée que Dieu n’existe pas ou qu’il est un monstre en spaghettis volant, ou tout ce que vous voudrez. Tragiquement, l’actualité nous en offre tous les jours de nombreux exemples.

Mais le professeur Dirk Verhofstadt de l’UGent va plus loin encore dans sa thèse sur l’athéisme comme fondement de la morale (Atheïsme als basis voor de moraal, Houtekiet, 2013). Pour lui, la vraie question n’est pas de savoir si l’on croit ou si l’on ne croit pas, et encore moins en quoi; mais bien comment les rapports sociaux fonctionnent et sur quelles bases. On ne sera donc pas surpris de lire sous sa plume que la religion n’est pas la morale et que les règles que la société doit s’imposer à elle-même ne sauraient avoir comme fondement tel ou tel présupposé théologique.