Une voix me dit de parler du désastre de la trumpisation victorieuse, une autre de la démolition du château de Noisy. Je me range à celle-ci. Il n’y a pas que les talibans, l’État islamique à bousiller le patrimoine. Ce noble royaume démolit ses joyaux architecturaux. Que la destruction s’abatte sur les destructeurs du château de Noisy. Honte à vous, assassins de l’âme des pierres, meurtriers du silence de la forêt. Si les arbres, les pierres, les tours, les cheminées, les gargouilles déjà pillées, incendiées pouvaient se soulever, déployer une intifada de crémones et de feuillages… Miranda, si tu pouvais te transformer en une plante carnivore, broyer les bulldozers entre tes mâchoires, serrer entre tes poings néogothiques grues et pelleteuses.
Prenez garde. Miranda a des alliés actuels, des défenseurs qui remonteront du XIXe siècle. Vous jouez avec le feu, petits Midas de pacotille, Miranda tient de l’hydre de Lerne. Une tour de coupée et dix repoussent! Les vieux châteaux néogothiques ont la dent dure. Vous qui vous gaussez des spectres et poltergeist, vous allez en faire une tête quand les fantômes des lieux vont s’accrocher à votre matière grisâtre, pourrir vos nuits. Des fantômes qui se déchaînent contre ceux qui les ont délogés, ce n’est pas beau à voir… Miranda, ça ne vous dit rien? Les pouvoirs magiques du duc Prospero, père de la belle Miranda, dans La Tempête du grand William, ça vous dit que dalle? Pensez-vous que son père, l’architecte Edward Milner, va la laisser démolir sans broncher?
Vous serez comptables de chaque centimètre de la peau du château de Noisy, de chaque parcelle de sa chevelure, de chaque carré de bois dépecé, des tours crénelées, de la tour principale, de la chapelle, des escaliers, des arcs croisés, des voûtes en ogive, des vitraux, des gargouilles, des moulures… On t’a laissée agoniser décennie après décennie, ma beauté. Des arbustes fi ssuraient tes murs, rongeaient tes pierres de taille. Les faisans des alentours, les moutons, taupes, oiseaux vont charger pour te venir en aide. Dans les meurtrières des tours, des guerriers fantômes sont embusqués. Ils ont piégé la grande horloge de la tour principale réglée sur l’heure de la justice. Chacun de tes toits coniques, de tes ornements, chacune de tes cinq cents fenêtres seront vengés.