Espace de libertés – Décembre 2017

L’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme consacre le principe de la libre circulation: “Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.” Si la liberté de circulation relève certes de l’utopie dans ses aspirations les plus généreuses et humanistes, elle s’appuie néanmoins sur des principes juridiques et des textes fondamentaux.

La mobilité des personnes constitue un phénomène ancestral, propre à l’humanité et au développement des civilisations. Que nous aurait apporté l’épopée de Marco Polo si d’innombrables frontières s’étaient dressées sur son chemin, accompagnées de contrôles stricts quant aux motivations sous-tendant son projet? La civilisation européenne serait-elle aussi riche et développée qu’elle l’est aujourd’hui si nous nous étions opposés aux pérégrinations d’Ibn Battûta et si des frontières lui avaient fermé les portes d’autres contrées que la sienne? Le concept de frontière n’a d’ailleurs pas existé de tout temps. Durant des millénaires, la liberté de circulation n’a pas été entravée par la moindre réglementation. Bien entendu, le monde a changé et les réalités actuelles sont à considérer. Mais les migrations ont toujours existé et elles existeront toujours. Et si les mouvements de population engendrent des peurs et crispations, la fermeture des frontières et la construction de murs représentent une réponse illusoire à ce phénomène. D’une part parce qu’aucun mur n’est incontournable. D’autre part, parce qu’ériger une frontière physique entraîne l’édification de murs mentaux au sein de nos sociétés et que cela ne profite à personne, sinon aux extrémistes.

Les valeurs humanistes portées par un mouvement comme le nôtre sont incompatibles avec ce repli sur soi. La société solidaire que nous contribuons à construire ne peut laisser les plus vulnérables de côté, à bord d’esquifs de fortune. Nous revendiquons une politique de migration qui respecte le droit à une égale mobilité de tous et échappe à toute forme d’exploitation. Actuellement, le parcours du migrant en quête d’asile le confronte à des épreuves intolérables et à un bafouement des droits humains en série.

Le principe de liberté de circulation peut abattre les frontières de tout ordre et s’inscrire de la sorte dans le fil rouge des libertés publiques défendues par la laïcité. Un choix de société, un choix politique au sens noble du terme, qui devrait s’accompagner de garanties et d’un cadre clair. Car nous sommes bien conscients des effets secondaires que l’ouverture des frontières pourrait entraîner. Comme toutes les libertés publiques, la liberté de circulation doit, pour être effective, être encadrée, protégée par des garanties et des instances publiques supérieures capables de les faire respecter. Mais pour atteindre son objectif, l’utopie ne peut refuser le dialogue avec un certain pragmatisme. Ce mariage permettrait ainsi de construire un nouveau paradigme cosmopolite et de se confronter à la réalité, pour accueillir l’humain, comme il se doit. Et enfin, d’appréhender la migration comme une chance.