« Bienvenue à l’étranger voyageur »: tel fut le libellé poétique qui synthétisait la position prise par le conseil d’administration du CAL en janvier 2013. De manière plus précise, mais certes guère plus concrète, les instances du CAL se prononçaient sur la libre circulation des personnes en général et non restreinte à certains privilégiés au sein d’un espace borné comme l’Union européenne. Aujourd’hui, il est temps de nous mobiliser.
Cette idée généreuse, ce projet ambitieux, s’arcboute sur les principes du droit international et la volonté de traduire, dans la pratique, les valeurs qui sous-tendent notre action: la liberté, l’égalité et la solidarité. Mais dans un environnement où des slogans tels que « on ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde », « autant offrir des voyages aux terroristes qui vont venir se faire exploser sous nos fenêtres », « on ferait mieux de s’occuper de nos pauvres avant de dépenser nos sous pour des étrangers »… –j’en passe et des moins bons–, l’hypothèse d’un changement radical de l’encadrement des migrations doit être assortie d’analyses fiables, de propositions réalistes.
Et si la liberté de circulation était reconnue à tous en Belgique en 2020, que se passerait-il?
Au-delà de la prise de position
Si des propos haineux, racistes, communautaristes ne constituent pas le discours des membres de notre beau mouvement, il n’en est pas moins vrai que si le principe est à la générosité, la pratique est au moins à l’interrogation. Ce qui n’a pas empêché le CAL, ses régionales, ses associations d’apporter leur aide parfois modeste mais symboliquement forte, pour venir en aide aux migrants: accueil, hébergement, orientation, traitement des dossiers administratifs, présence dans les centres Fedasil… Mais nous devons aller plus loin, inverser les politiques actuelles jugées néfastes, coûteuses, contre-productives et hypocrites.
Le CAL est bien conscient que la mise en œuvre des réformes liées à la liberté de circulation impose une approche réaliste, progressive et documentée qui tient compte du caractère sensible du sujet abordé. Celles-ci pourraient être la suppression des visas (comme c’est déjà le cas pour les Européens au sein de l’Espace Schengen) permettant à chacun d’entrer sur un territoire pour y entamer des procédures de séjour; la suppression des centres fermés et des retours contraints; l’instauration d’un droit de séjour automatique d’une certaine durée permettant au migrant de chercher à mettre en œuvre son projet de vie dans le pays d’arrivée…
Effet domino
La mise en œuvre progressive d’un tel objectif – une liberté de circulation effective pour tout le monde – impliquera d’autres remises en question et réformes: du système social, de l’organisation du travail, de la fiscalité, du commerce international… Une telle transformation nécessitera également des changements de mentalités et beaucoup de pédagogie afin qu’elle ne crée pas des heurts, des tensions, des frustrations, notamment dans le champ de l’interculturalité. Mais il fait partie des devoirs des gouvernements et de la société civile d’accompagner, de rendre compréhensibles et légitimes les évolutions dictées par l’intérêt général et le respect de nos principes fondamentaux.
Afin d’ouvrir à la réflexion et de ne pas crisper les personnes et figer les positions, un travail de sensibilisation est indispensable. Accepter de débattre avec, en ligne de mire, la liberté de circulation nécessite un travail d’écoute en douceur, avec tact et prudence.
Un long travail de sensibilisation
C’est dans cette perspective que les régionales du CAL, les Maisons de la laïcité ont organisé et continuent à programmer des rencontres autour de cette thématique, et ce, en abordant différentes facettes de la réalité de la migration allant de l’évaluation de l’impact économique à l’impact sécuritaire en passant par le culturel, le social et l’humanitaire.
Fourmillement associatif
Depuis l’été 2015, de nombreuses associations d’éducation permanente et ONG ont fait de la sensibilisation sur la question de l’asile et de la migration une priorité. Elles mènent des actions d’information qui vont dans le sens de notre campagne et proposent des outils très bien conçus: journal Le Bienvenu, campagne et vidéo « Défense de nourrir les préjugés », « Réfugiés et étrangers: petit guide anti-préjugés », formation « Un pas de plus »… Le CAL et ses régionales s’associent régulièrement à ces démarches. Ils continueront à le faire et pourront utiliser ces outils au cours de la campagne.
Une question visionnaire
Pour apporter une contribution nouvelle à ce mouvement de la société civile, notre campagne propose d’aiguillonner le débat et de bousculer les idées reçues en démarrant par une communication forte et provocante sur la libre circulation: et si la liberté de circulation était reconnue à tous en Belgique en 2020, que se passerait-il?
En invitant nos publics et les responsables politiques – mais aussi nos collègues et nos bénévoles– à discuter d’une telle proposition audacieuse, nous allons à la rencontre des craintes, des objections, des préjugés, des obstacles, etc. qui empêchent une telle politique migratoire d’advenir ou même d’être envisagée. Nous pourrons recenser toutes ces objections et soit les déconstruire, soit les prendre en compte pour affiner notre proposition.
Nous avons la ferme conviction qu’il faut mobiliser pour éviter « de mettre des murs à nos frontières », des digues, des phares, des canaux peuvent exister pour assurer une libre circulation tout en veillant à la dignité de l’accueil dans le respect des personnes et des États. Le défi est de taille mais l’enjeu fondamental. Le XXIe siècle sera ouvert ou violent. Jouons la carte de l’ouverture, de la liberté, tentons de mettre une fois encore notre devise en pratique et soyons « Libres ensemble ».