C’est une attaque frontale contre les athées que le pape vient de lancer à l’occasion de sa rencontre, le 20 avril dernier, avec la Conférence européenne des rabbins. Il a même pris une position franchement périlleuse en plaçant côte à côte, dans son discours, l’antisémitisme et l’athéisme. On a peine à croire qu’un personnage d’une telle stature ait pu faire un tel amalgame de façon fortuite. Au bénéfice du doute, nous n’embrayerons pas sur cette sémantique interpellante. Par contre, par ses déclarations à l’encontre de l’athéisme, le pape fait précisément l’inverse de ce que fait la laïcité au quotidien: là où cette dernière prône la liberté de chacun de croire ou de ne pas croire dans une société pacifiée, le pontife présente l’athéisme comme une «menace» dans un discours plus proche de l’appel à la résistance que de la tolérance christique.
«Dans une société marquée de plus en plus par la sécularisation et menacée par l’athéisme, nous courons le risque de vivre comme si Dieu n’existait pas», a-t-il déclaré, comme le rapportait le quotidien La Croix sur son site web le 20 avril. «Les juifs et les chrétiens ont la bénédiction mais aussi la responsabilité d’aider à préserver le sens religieux des hommes et des femmes d’aujourd’hui, et celui de notre société, par notre témoignage.»
Ainsi donc, «vivre comme si Dieu n’existait pas» fait courir un risque collectif à la société. Malheureusement, le pape reste en défaut de prouver que Dieu existe, justement. Périlleux exercice que de considérer comme dangereux le fait de ne pas croire à quelque chose qui n’est pas prouvé.
En tout cas, François Ier a trouvé un allié de choix en la personne du président de la Conférence des rabbins européens, le grand rabbin de Moscou, Pinchas Goldschmidt. Profitant de l’aubaine, celui-ci a fustigé à son tour une «vieille Europe sécularisée». Rappelons qu’elle n’est sécularisée que depuis la Révolution française, et que le judaïsme est la plus vieille de toutes les religions abrahamiques.
Et Pinchas Goldschmidt de poursuivre avec emphase en déclarant que les juifs deviennent des «victimes collatérales» d’une offensive contre le radicalisme musulman: «Au lieu de combattre les radicaux musulmans, la vieille Europe a riposté par une attaque de grande ampleur contre l’islam, interdisant la construction de minarets, le port du foulard pour les femmes, cherchant à interdire la viande halal et la circoncision.» Prenons la peine de répondre à ce délire: s’il y a bien eu quelques excités pour s’opposer à la construction de minarets en Suisse, cela ne concerne que quelques cas isolés, vite remis au pas par le Conseil de l’Europe. Il n’existe aucun pays européen où l’on interdit aux femmes de porter le foulard, la viande halal est vendue librement sur tout le territoire européen et aucun pays n’y a jamais interdit la circoncision.
La victimisation est l’un des maux de notre époque et elle repose souvent sur de grossiers mensonges et de piteux amalgames. Le pape et le grand rabbin viennent nous le rappeler de façon éclatante. (yk)