Espace de libertés – Juin 2015

Ô prophètes, que de crimes commis en vos noms!


Coup de pholie

Enfer et damnation, si même les bouddhistes s’y mettent, on est foutu! Voilà t’y pas qu’on a appris récemment que le gouvernement birman –non, non, pas la junte militaire–a condamné à deux ans et demi de prison pour «insulte à la religion» un Néo-Zélandais qui a eu le toupet de faire de la pub pour son bar à Rangoon en représentant Bouddha doté d’écouteurs… Depuis que l’Inde est dirigée par le parti nationaliste BJP, on sait qu’hindouisme et ouverture d’esprit semblent avoir divorcé, mais à présent même le bouddhisme se met au service du fanatisme identitaire. À quel saint peut-on encore se fier?

Il faudrait consigner dans un livre (j’ai déjà le titre: Le livre noir des religions) toutes ces aberrations, ces intolérances, ces censures accomplies au nom du sacré. Mais l’exercice risque d’être long et le livre aussi épais qu’un bottin téléphonique! On y parlerait de tous ces temples païens détruits par les chrétiens, de l’interdiction de célébrer les Jeux olympiques, de la fermeture de l’académie platonicienne d’Athènes, de l’iconoclasme byzantin, des autodafés, des guerres de religion, des sorcières brûlées, de l’Inquisition, des ouvrages mis à l’index, des kamikazes, des décapitations et de bien d’autres tristesses du genre.

En la matière, il faut reconnaître que l’islam fait fort lui aussi. Le jour où Mahomet brisa les idoles païennes de la Kaaba, il imita le geste iconoclaste que le Coran prête à Abraham et voulut montrer à tous que «l’ère de l’ignorance» était révolue car l’ère coranique avait vu le jour. Malheureusement, le prophète fait des émules jusqu’à aujourd’hui. Le musée de Mossoul est exsangue, ses statues assyriennes et perses ne sont plus que débris, son taureau ailé androcéphale a été saccagé au marteau-piqueur. Les sites archéologiques de Nimroud et de Hatra subissent la même fureur. Même les touristes venus admirer les mosaïques romaines du musée archéologique de Tunis sont massacrés et l’on entend les fanatiques clamer qu’ils ont envie de dynamiter les pyramides, de faire sauter la tour Eiffel, Big Ben et la Maison-Blanche, rien que ça!

En tout cas, j’en connais qui se retournent dans leur tombe ou leur urne cinéraire. Par exemple, Jésus de Nazareth, Bouddha ou Mahomet (si si, même lui, j’en suis convaincu).

Allez, ne pleurons pas: Charlie n’est pas mort. L’espoir est donc permis. Un jour, les ténèbres seront chassées par la raison et la liberté triomphera sur terre. J’avoue ne pas savoir si cette conclusion est utopique et naïve ou si, prophétique, elle porte en elle une once de potentiel. Qui vivra verra.