Espace de libertés | Avril 2018

Coup de pholie

La fonte des glaces occasionnerait-elle celle des cerveaux, des affects?À quels mécanismes rattacher le syndrome dit de l’autruche, le déni, à tout le moins la minoration des effets dévastateurs du réchauffement climatique?Épargné jusqu’ici, le pôle Sud connaît une accélération de la fonte de sa banquise, rejoignant les records de l’Arctique. L’explosion démographique des homo sapiensse paie par l’écocide, l’anéantissement du règne animal et végétal. En bêlant que la brave Gaïa pourra nourrir dix milliards d’humains dopés à la consommation intensive, les optimistes béats précipitent la dernière Cène dans le gouffre. Alors que les ultimes décennies de l’Anthropocène sont comptées, alors qu’en 40 ans, 60%des espèces animales ont péri au rythme où les humains ont proliféré de façon virale, des gouvernants d’opérette, des lobbys ergotent sur des transitions énergétiques, une diminution des gaz à effets de serre, le point G de la débâcle environnementale, le point médian de l’écriture inclusive, #MeToo, #BalanceTonPorc (et TaTruie?). S’accrochant à la désastreuse division entre luttes sociales et combats écologiques alors que les deux ne font qu’un, les vieux réflexes anthropocentrés hâtent le dernier bal, festival de Cannes de style apocalypse.

Les eaux submergent les îles, les typhons dévastent les côtes lointaines?On s’en tape, ricanent l’Europe, l’Amérique, l’Asie qui redoublent de frénésie. La mer engloutit les terres basses de l’Europe du Sud, efface la moitié de l’Afrique?Peu nous chaut, beuglent Wall Street, le FMI en dressant le banquet d’une fête à perpétuité sur une planète agonisante. L’océan Atlantique emporte les ports, les villes côtières?Affamés, les loups, les éléphants rescapés, les derniers ours polaires déferlent dans les espaces urbanisés?Pas grave, nous danserons sur les ruines, hurlent les adeptes du transhumanisme, de l’intelligence artificielle. Le jour où des vagues scélérates soufflèrent New York, Londres, Hong Kong, Singapour, une poignée de grosses légumes dériva, accrochée à un glacier. Eux qui avaient mis à l’index le fameux texte de Niemöller firent cruellement l’expérience de sa vérité:le jour où, réagissant aux saccages séculaires, la Terre se redressa contre ses bourreaux, dépêcha marées et tsunamis dignes du Big Bang, il n’y eut plus personne pour venir en aide aux pantins de la troïka. Qui me fait périr périra avec moi, leur balança Gaïa avant de les emporter vingt mille lieues sous les mers.