Je l’avoue, je n’ai pas vécu Mai 68. Je suis née un chouïa après. Mais son « esprit » planait encore lors de mes premiers pas, jeans pattes d’eph’ et chemise fleurie en prime. Avec cette sensation de tous les possibles, d’un saut d’époque où les libertés, les jougs émancipateurs, pouvaient faire reculer beaucoup de carcans. Du moins, c’est ce que mes parents m’ont dit. C’est ainsi que l’on « nous vend » le fameux Mai 68. Dans la foulée, le Centre d’Action Laïque voyait aussi le jour, avec des thèmes de circonstance: droits des femmes à disposer de leur corps, droit à l’émancipation de chacun.e, à vivre dans une société où l’ingérence des Églises serait moins prépondérante et in fine où la laïcité pourrait enfin être vécue selon des valeurs humanistes, basées sur le régime des libertés et des droits humains.
C’est encore dans cet esprit soixante-huitard que naquit le décret d’éducation permanente, en 1976. Sa nouvelle mouture, en 2003, pousse les organisations reconnues à développer chez l’adulte « une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société; des capacités d’analyse, de choix, d’action et d’évaluation (qui a dit “libre examen”?); des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique ».
En réalité, beaucoup de combats entamés à l’époque nous sont resservis aujourd’hui comme une soupe… froide? De là à penser que Mai 68 n’aurait été qu’une révolution de pacotille, menée par des « fil.le.s à papa », il n’y a qu’un pas… À ne pas emboîter. Car si les époques et les enjeux qui les traversent ne sont pas identiques, il est évident que maintenant, comme avant et peut-être encore demain, la vigilance reste de mise concernant de nombreux sujets chers à nos démocraties.
Qui aurait cru que le droit à pratiquer une IVG serait à nouveau remis en question dans de nombreux pays européens (sans compter dans le reste du monde)? Qui aurait dit que l’égalité salariale ne serait toujours pas effective au XXIe siècle? Que les discriminations de genre, d’appartenance culturelle ou religieuse seraient encore si prégnantes? Qu’être athée serait encore parfois compliqué? Que la liberté d’expression souffrirait encore d’entraves? Enfin, qui aurait pensé que nous aurions si vite oublié le cauchemar des populismes et fascismes du siècle précédent? Faut-il dès lors convoquer les esprits subversifs pour faire face à ces « difficultés » auxquelles nos sociétés sont toujours confrontées? Ou faut-il simplement ne pas oublier, se remémorer activement, et surtout, ne pas plier? Se soumettre? Jamais!