Espace de libertés | Avril 2018

Une philosophie pour temps d’orage


Des idées et des mots

Restons stoïques face à ce monde inquiétant – le titre du nouvel opus du philosophe belge Pierre Ansay claque comme un commandement. Pourtant, on n’y trouvera pas de ces  » grandes vérités  » formatées pour être consommées rapidement par une clientèle apeurée. Fidèle à un projet qu’il poursuit avec constance depuis plusieurs années, l’auteur propose ici un exercice de philosophie comparée entre deux sacrés monstres de la pensée occidentale : Épictète et Spinoza. Certains fronceront les sourcils car si le Grec Épictète a vécu au début du premier siècle, le Hollandais Spinoza est ancré dans le 17e. Considéré comme un des phares de l’école stoïcienne, Épictète n’est connu que par un seul ouvrage compilé après sa mort par un disciple diligent. Quant à Spinoza, il fut un auteur prolifique mais prudent. Quel lien les unit ? Ansay nous apprend que le second connaissait bien l’œuvre du premier et qu’un air de famille réunit incontestablement leurs pensées. Comme on le sait, du choc des idées jaillit la lumière. De fait, la rencontre de Spinoza et d’Epictète provoque un  » arc électrique  » qui illumine leurs leçons de vie. Et nous dans tout ça ? Eh bien, Pierre Ansay nous convie tout bonnement à engager un dialogue à quatre avec lui-même et ses deux  » grands frères « , comme il les appelle affectueusement. Car la philosophie stoïcienne est d’abord et avant tout un art de vivre. Épictète et Spinoza ont tous deux prêché d’exemple – ce qui est plutôt rare, admettons-le – en sui­vant une vie simple et frugale. Leur but : gouverner leurs passions. Dans un monde agité (et il l’a toujours été, ce n’est pas une exclusivité de notre temps), l’exercice est beaucoup plus compliqué qu’on pourrait le penser à première vue.