Tous les cinq ans, la Belgique est amenée à faire état, auprès du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, de sa législation et de ses politiques dans tous les domaines où les femmes seraient encore victimes de discriminations: violence sous toutes ses formes, santé, emploi, éducation, etc.
Mécanisme de contrôle a posteriori et de l’ordre de la recommandation plutôt que de l’obligation juridique, les recommandations du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes restent importantes car elles fixent des balises non négligeables qui, pour un État qui respecte de bonne foi ses obligations, doivent être intégrées à notre droit positif1. Et, selon les experts de l’ONU, la Belgique doit encore progresser dans bien des domaines.
Dans les précédents rapports, la Belgique avait déjà été tancée pour tous les progrès qu’il lui reste à accomplir en matière de violences à l’égard des femmes, de la persistance de stéréotypes sexuels (1) et de ségrégations professionnelles. Malheureusement, les mêmes critiques sont à nouveau formulées dans ces recommandations du 14 novembre 2014.
Des groupes plus vulnérables
Dans les précédents rapports, la Belgique avait déjà été tancée pour tous les progrès qu’il lui reste à accomplir en matière de violences à l’égard des femmes, de la persistance de stéréotypes sexuels et de ségrégations professionnelles.
Au-delà des plans nationaux et évaluations classiquement demandés (2), le Comité pointe aussi du doigt avec insistance la dégradation socio-économique vécue par des groupes spécifiques:
- «Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures en vue d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes immigrées, y compris les formes de discrimination multiples et convergentes, tant dans la société en général qu’au sein de leurs communautés, et de promouvoir une image positive des femmes appartenant à des minorités ethniques ou religieuses.»
- «Le Comité prend note avec préoccupation de la féminisation croissante de la population âgée ainsi que des multiples formes de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes âgées.»
- «Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière à la situation précaire des femmes âgées, de prendre des mesures répondant à leur situation économique et affective et à leur état de santé pour leur éviter la pauvreté et l’isolement, et de garantir l’existence de centres spécialisés dans la prise en charge des besoins des femmes âgées, en particulier des femmes seules et de celles qui n’ont pas de soutien familial.»
On remarquera aussi que le Comité affirme clairement sa position quant à la prostitution: la pénalisation du client est encouragée (3).
Il n’est pas interdit d’interdire le port de signes religieux
La composition de ce comité onusien doit évidemment représenter toutes les sensibilités que l’on peut retrouver au niveau d’une organisation à vocation planétaire telle que les Nations unies. À ce titre, le positionnement des instances de l’ONU sur la question du port de signes religieux dans telle ou telle circonstance était évidemment attendu avec une certaine curiosité. À cet égard, on peut lire dans ses recommandations que «le Comité recommande à l’État partie de surveiller et d’évaluer l’impact pour les femmes et les filles, notamment en matière d’accès à l’éducation et à l’emploi, de l’interdiction du port du foulard adoptée par plusieurs administrations locales, hôpitaux publics, écoles et entreprises privées, et de rassembler des informations sur le nombre de femmes et de filles qui ont été sanctionnées pour contravention à cette interdiction». De ces quelques lignes se déduit a contrario que, si une évaluation des mesures mises en place est demandée, l’interdiction du port du foulard – sur lequel se focalise le Comité– n’est pas remise en cause par ce dernier.
Ce bulletin qui nous est délivré par des experts de l’ONU doit nous inviter à prendre encore plus à bras-le-corps la question de l’élimination des discriminations à l’égard des femmes.
Et demain?
Ce bulletin qui nous est délivré par des experts de l’ONU doit nous inviter à prendre encore plus à bras-le-corps la question de l’élimination des discriminations à l’égard des femmes. Le chantier reste immense et la vigilance plus que jamais de mise. Et ce, dans tous les domaines. À titre d’exemple, lorsqu’au point 1.7 de son accord, le gouvernement fédéral indique vouloir encourager la participation au travail et, pour ce faire, prévoit notamment qu’»un cadre pour la mise en place d’un service à la collectivité pour les chômeurs de longue durée sera élaboré», on peut légitimement craindre un effet «domino» discriminant pour les femmes. En effet, sans même se prononcer sur la conformité de cette mesure avec la Convention n°29 sur le travail forcé de l’Organisation internationale du travail, le «service à la collectivité» tel que décrit dans l’accord de gouvernement concernera prioritairement les femmes puisque, d’une part, celles-ci sont plus nombreuses à être au chômage (ainsi que le confirment chaque année les analyses statistiques du ministère de l’Économie (4)) et, d’autre part, que le chômage des femmes augmente deux fois plus vite que celui des hommes (5).
L’important n’étant pas d’uniquement reconnaître des égaux mais bien d’en faire: au travail!
(1) Voir la décision du Jury d’éthique publicitaire dans le dossier de l’annonceur Just Ice sur www.jep.be.
(2) Par exemple «une étude sur l’ampleur de la discrimination fondée sur le sexe dans le système de sécurité sociale».
(3) Il recommande «de prendre des mesures visant à décourager le recours aux services de prostitution, notamment d’envisager d’ériger en infraction l’achat de services sexuels».
(4) «Le marché du travail en chiffres relatifs», sur http://statbel.fgov.be.
(5) «Le marché du travail en Belgique en 2012», communiqué de presse du SPF Économie, mis en ligne le 28 mars 2013, sur http://statbel.fgov.be.