Espace de libertés – Mars 2015

2015 sera une année très stimulante pour l’égalité hommes-femmes, les droits des femmes et pour le mouvement féministe en Europe et dans le monde. Entre avancées et régressions, focus sur deux chantiers: l’éradication des violences et la participation au processus de décision.


Cette année, la communauté internationale célébrera le 20e anniversaire du programme d’action de Pékin, un instrument des droits fondamentaux des femmes et des filles adopté en 1995. En même temps, l’Union européenne adoptera sa nouvelle stratégie quinquennale sur l’égalité entre les femmes et les hommes, qui devrait être le cadre de l’action de l’UE sur l’égalité et l’autonomisation des femmes. Et cette année encore, le Lobby européen des femmes (LEF) fêtera ses 25 ans d’action féministe et d’activisme à travers l’Europe.

L’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale de l’Union européenne et de ses États membres. Cependant, cet engagement ne se traduit pas en pratique dans la plupart des sphères de la société et de la vie.

Les femmes et jeunes filles en Europe sont désormais présentes dans toutes les sphères de la société, de l’éducation à l’emploi, exprimant leurs points de vue comme artistes, journalistes, chercheuses ou dirigeantes de communautés. Elles contribuent aux débats politiques et expriment leurs préoccupations.

Cependant, malgré cette image optimiste d’un féminisme renouvelé en Europe, les droits des femmes font face à une régression plus forte que jamais. D’une part, les groupes ultraconservateurs et religieux remettent systématiquement l’égalité en question, en attaquant les droits sexuels et reproductifs des femmes, l’éducation sexuelle, l’accès des femmes à l’emploi et à la prise de décisions. D’autre part, des coupes financières menacent l’existence même des organisations de femmes et les mesures d’austérité pénalisent les femmes et entraînent un appauvrissement.

L’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale de l’Union européenne et de ses États membres. Cependant, cet engagement ne se traduit pas en pratique dans la plupart des sphères de la société et de la vie. Le récent climat d’austérité renforce l’idée, pour beaucoup de décideurs et de personnes, que les droits des femmes sont «la cerise sur le gâteau». Les stéréotypes qui persistent dans toutes les sphères de la société influent sur les choix de filles dans l’enseignement, empêchent les femmes d’accéder à certains emplois, ont une incidence sur la santé des femmes et des filles, légitiment la violence et le sexisme, véhiculent des messages sur le rôle des femmes dans la société… Aujourd’hui, l’évolution des mentalités reste un défi constant pour le mouvement des femmes.

Violences multiples

Les violences à l’encontre des femmes et des filles concernent, entre autres, le harcèlement sexuel, la prostitution et l’exploitation sexuelle, le viol conjugal, l’inceste, la pornographie, les violences psychologiques, les mutilations génitales féminines, la cyberviolence et l’intimidation, la publicité sexiste, etc. En plus d’être des causes de souffrances et de traumatismes, ces violences ont des conséquences dévastatrices pour la santé mentale, physique et sexuelle des femmes. La violence est un obstacle majeur à la réalisation de l’objectif de l’égalité. De plus, ces violences restent souvent invisibles, banalisées et sous-estimées.

Le Lobby européen des femmes souhaite établir 2016 comme année européenne de la fin des violences à l’encontre des femmes et préconise d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie globale de l’Union européenne pour mettre fin à toutes les formes de violences contre les femmes en Europe, y compris la prostitution. Depuis sa création, le LEF demande une action de l’UE contre les violences envers les femmes et a créé en 1997 son Observatoire européen sur les violences faites aux femmes. En 2000, le plaidoyer du LEF a contribué à l’adoption du protocole des Nations unies sur la traite des êtres humains, un phénomène qui touche particulièrement les femmes. Les actions et la campagne du LEF «Ensemble pour une Europe libre de prostitution» comme la publication de 18 mythes sur la prostitution ont permis de sensibiliser au fait que la prostitution est une violence faite aux femmes et a contribué à l’adoption du rapport «Honeyball» qui pointe le «modèle nordique» comme un exemple réussi pour diminuer la traite, soutenir les victimes et changer les mentalités. La résolution «Honeyball» reconnaît la violence inhérente au système prostitueur et considère la prostitution comme une violation de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. En rejetant la résolution alternative qui appuie l’idée d’une prostitution dite «volontaire», les membres du Parlement européen ont estimé que les phénomènes de la prostitution et de la traite sont indissociables.

La participation dans la prise de décision

La parité est une question de représentation démocratique et de progrès social conformément aux engagements du traité de l’UE pour la démocratie et les droits fondamentaux. Toutefois, aujourd’hui, les femmes sont toujours sous-représentées partout dans la prise de décision, en raison de la persistance de stéréotypes, d’attitudes patriarcales et de perceptions des rôles. Atteindre la parité est crucial pour la démocratie, les droits et la justice. Il est essentiel que les opi­nions, les besoins et les désirs tant des femmes que des hommes soient pris en compte à tous les niveaux qui affectent la vie quotidienne des femmes et des hommes dans toute l’Europe et au-delà. Et il est de plus en plus clair que l’autorégulation comme un moyen d’atteindre la parité n’est simplement pas efficace. Sous le taux actuel de progrès, il faudra près de 160 ans pour atteindre l’égalité réelle.

L’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus décisionnel est mentionnée comme l’une des priorités de la stratégie européenne (2010-2015), ainsi que dans le Pacte européen pour l’égalité des sexes (2011-2020). Le LEF revendique la parité dans tous les processus décisionnels économique et politique et l’instauration de quotas accompagnés de mesures contraignantes. La revendication d’une commissaire pour l’égalité dans son manifeste a activement contribué à la récente nomination d’une commissaire européenne pour l’égalité hommes-femmes, qui peut être une étape décisive vers une action plus ambitieuse de l’UE.