Temps partiel, emplois temporaires, crédits-temps, interruptions de carrière, revenus d’intégration, salaires et pensions moins élevés: les femmes gagnent toujours moins que les hommes.
Depuis le traité de Rome de 1957 et son article 119, un employeur doit rémunérer de la même façon un travailleur et une travailleuse exerçant le même emploi. Comment alors expliquer l’écart salarial persistant en Belgique? Tenter de répondre à cette question nous renvoie à d’autres inégalités sociales et de genre. En Belgique, l’écart salarial a certes plutôt tendance à diminuer ces dernières années. Le rapport écart salarial 2014 de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes montre que ce dernier est passé de 15% à 10% en 5 ans. Il s’élevait encore à 19% à la fin des années 90. Et la Belgique fait d’ailleurs bien mieux que la moyenne européenne qui s’élève, elle, à 16%.
Bonne nouvelle? Pas si simple…
Il s’agit ici de l’écart salarial calculé sur une base horaire. Sur une base annuelle, l’écart salarial est beaucoup plus élevé (23%) et surtout il ne diminue pas. Une grande partie de l’explication réside dans le temps partiel qui reste l’apanage des femmes puisque près de 45% des travailleuses salariées sont à temps partiel contre seulement 10% des travailleurs salariés. Non seulement la conciliation des temps de travail repose encore et toujours sur les femmes, mais le marché du travail garde des attentes très stéréotypées. Un employeur comprendra plus facilement qu’une femme prenne congé pour rester auprès d’un enfant malade ou qu’elle diminue son temps de travail pour raisons familiales tandis qu’un homme est encore et toujours censé donner la priorité à sa vie professionnelle. Et les résistances à l’égalité sont multiples: les employeurs, les syndicats, les hommes et même les femmes ont assimilé ces inégalités.
Aujourd’hui, si les inégalités salariales entre les femmes et les hommes se réduisent, les inégalités entre les travailleurs à temps plein et à temps partiel continuent, elles, à se creuser.
Alors que les femmes sont au départ «plus et mieux diplômées» que les hommes, elles restent majoritairement présentes dans des secteurs moins valorisés et organisés «dans le sens» du travail à temps partiel et du travail temporaire, comme les secteurs des services, de la distribution ou du nettoyage. Le temps partiel est aussi un véritable piège en termes d’accès à la formation et à la promotion ainsi qu’une catastrophe pour la pension: l’écart de pension entre femmes et hommes s’élève ainsi à 23%!
Aujourd’hui, si les inégalités salariales entre les femmes et les hommes se réduisent, les inégalités entre les travailleurs à temps plein et à temps partiel continuent, elles, à se creuser. Au-delà de la question de l’écart salarial c’est donc celle, plus large, de la qualité de l’emploi qui est ici centrale.
La crise de 2008 a sans aucun doute affecté l’emploi «permanent» et à temps plein. L’augmentation, entre 2008 et 2013, de la part du temps partiel dans l’emploi total, et ce, tant chez les hommes que chez les femmes, en Belgique et ailleurs en Europe le confirme. Or l’emploi à temps plein est le plus à même d’assurer un niveau de vie décent. Le risque de pauvreté lié au temps partiel et aux emplois temporaires (5,9%) est en effet plus important que celui lié à l’emploi à temps plein et stable (3,5%). Plus interpellant encore, le nombre de personnes vivant dans un ménage dont l’intensité de travail est très faible a augmenté de 6%, passant de 11,7% en 2008 à 17,7% en 2013 (1).
Définir les priorités
Alors qu’on parle de la nécessité d’augmenter le taux d’emploi des femmes, d’allonger la carrière et de flexibiliser le temps de travail, l’heure est à la définition des priorités.
Premièrement, l’égalité entre hommes et femmes dans l’emploi nécessite la création d’emplois de qualité. Si l’augmentation du taux d’emploi des femmes est une priorité, notamment en vue d’atteindre les objectifs européens à l’horizon 2020, elle ne peut se faire au détriment de la qualité et du bien-être au travail. Un deuxième point concerne l’offre, indispensable, de places d’accueil de qualité et accessibles financièrement pour les enfants en bas âge (0-3 ans) et pour les personnes dépendantes. Outre l’accueil, il faut continuer à développer les congés qui permettent aux travailleurs-euses de diminuer temporairement leur temps de travail tout en conservant leurs droits sociaux. Il s’agit des crédits-temps et des congés thématiques dont notamment le congé parental. Ceux-ci ont le mérite d’exister et d’offrir une certaine flexibilité qui devrait encore être renforcée. Enfin, les hommes qui prennent ces congés sont encore trop peu nombreux et souvent stigmatisés. Il est pourtant communément admis que plus d’égalité des hommes et des femmes dans la sphère professionnelle nécessite avant tout, une plus grande implication des hommes dans la sphère privée.
(1) Selon l’indicateur de la Stratégie Europe 2020, une personne présente une faible intensité de travail (Low Work Intensity – LWI) lorsqu’elle est âgée de 0 à 59 ans et qu’elle vit dans un ménage où les adultes ont travaillé moins de 20% du temps de travail potentiel au cours de l’année écoulée.