Espace de libertés – Mars 2015

La religiosité, tout à la foi(s)


Coup de pholie

Lorsqu’on parle de religion, il est bon de se mettre d’accord sur une définition. On acceptera sans doute celle qui, s’inspirant de l’étymologie, en fait un « lien » vertical entre ciel et terre, sacré et profane, divin et humain. Cette définition étant engrangée, tâchons de cerner également ce qu’est la religiosité, c’est-à-dire l’attitude de chaque individu par rapport à ce lien. L’attitude religieuse des croyants se présente comme un amalgame d’attitudes disparates. Que l’on m’autorise à les présenter ici, très subjectivement.

La religiosité est tout à la fois (la foi ?) une superstition, une piété populaire, une ferveur authentique, une théologie subtile, une inspiration artistique, un mysticisme plongeant dans les profondeurs de l’âme humaine à la recherche de Dieu, cet absolu sublimé et projeté dans le ciel. Je passe sous silence le cléricalisme ou césaro-papisme, une déviance perverse qui n’a aucun rapport avec la religiosité.

La superstition est incontestablement le mauvais élève, car elle va de pair avec l’ignorance et la démission des facultés mentales. En somme, elle reste au niveau de la pensée magique, utile aux poètes mais désastreuse pour le reste.

Quant à la piété populaire, on y trouve cette même inclination de l’esprit à préférer l’espérance sucrée à l’exercice amer de la pensée raisonnante. Observée avec des yeux d’ethnographe, cette dévotion gagne notre sympathie, à condition toutefois de ne sombrer ni dans la bigoterie idiote, ni dans l’intolérance qu’engendre toujours la certitude de posséder la Vérité. La ferveur authentique en revanche est touchante. Poussée à l’extrême, elle donne naissance au monachisme, mais à nouveau, il faut se méfier d’un excès de ferveur qui déboucherait sur le fanatisme aveugle que l’on sait.

La théologie nous amuse parce que, comme disait Voltaire, toute la folie humaine s’y exprime, mais aussi parce que cette dissertation bavarde m’a toujours semblé être la petite sœur de la philosophie ou plutôt une sorte de mythologie monothéiste à la recherche d’une définition acceptable de l’absolu.

L’inspiration artistique qu’est capable d’éveiller la religion (ou plutôt qu’était car cela appartient au passé) a tout notre respect car sans elle nous n’aurions pas les peintures de Lascaux, les temples grecs, les bas-reliefs khmers, les cathédrales gothiques, les arias de Bach.

Loin devant trône le mysticisme car, comme disait Bergson, il est à la religion ce que la science est à la vulgarisation.

Resterait à présent à évoquer la religiosité de nombreux athées, mais ça c’est une autre histoire dont nous n’avons ni le temps ni l’espace en un «coup de pholie».