Espace de libertés – Mars 2015

Le triangle rouge à la conquête de l’Europe


International

Une vaste campagne autour de la diffusion du triangle rouge sera prochainement mise en œuvre avec l’aide de nombreux partenaires européens très impliqués dans la sauvegarde de la démocratie et des valeurs qui fondent notre bien-vivre ensemble: une réponse positive capable de mobiliser un grand nombre de citoyens dans une action collective de résistance, dans le contexte d’une actualité aux contours parfois très inquiétants.


L’objectif de cet ambitieux projet –à l’initiative de la Fédération Humaniste Européenne (FHE) et en partenariat avec le Centre d’Action Laïque et l’ASBL Les Territoires de la Mémoire, centre d’éducation à la résistance et à la citoyenneté– est de diffuser le plus largement possible un pin’s qui représente un triangle rouge en mémoire de celui porté par les prisonniers qui étaient politiquement opposés à l’idéologie nazie. Et ils étaient très nombreux! Ce système de marquage s’appliquait aux déportés dans les camps de concentration à partir de 1933… bien avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Un rappel s’impose: le camp de concentration de Dachau, près de Munich en Allemagne a été inauguré par Heinrich Himmler, le chef de la SS, le 21 mars 1933, moins de trois mois après l’arrivée du Führer au pouvoir!

Aujourd’hui, le signe cousu sur la veste des prisonniers est devenu le symbole de la lutte contre toutes les formes politiques d’atteintes à la démocratie… contre le fascisme et le totalitarisme en référence au régime dictatorial d’Adolf Hitler et de son entourage. Ce symbole s’inscrit donc dans un cadre historique particulier et dans un contexte politique précis. C’est la fidélité à cette double référence qui inspire le projet.

S’il est communément admis que la construction européenne est un vecteur de paix pour les pays qui la composent, il faut évidemment déplorer la distance qui existe entre les intentions et une réalité qui nie trop souvent les dimensions sociales et humaines de ce qui est et reste un formidable défi à relever.

Une Europe qui résiste

Bref retour sur l’histoire: le triangle rouge a été adopté le 1er mai 1890 au cours des très importantes luttes ouvrières parmi lesquelles figurait alors le partage en trois fois huit heures de la journée: travail, sommeil, loisirs. Cette symbolique n’a évidemment pas été reprise pour catégoriser les prisonniers dans les camps nazis. On retrouve ensuite l’adoption du triangle rouge par de très nombreux fronts antifascistes dans plusieurs pays de la Communauté européenne, notamment en France, et dans d’autres organisations (Ras l’front, par exemple). Depuis plus de 10 ans, le triangle rouge est diffusé par les Territoires de la Mémoire et est en parfaite adéquation avec les objectifs de cette association.

Au fil des années, les Territoires de la Mémoire ont déjà distribué près de 500.000 triangles rouges en créant entre ses adhérents une sorte de «connivence» citoyenne. Diverses actions soutiennent également cette campagne qui ne s’exprime pas seulement pendant les périodes d’élections: capsules audio et vidéo, affichages, encarts presse, publications thématiques, présence sur Internet et les réseaux sociaux, mise en œuvre d’événements: flashmob, présence sur les marchés, participation à de multiples foires et salons, etc.

Mémoire et vigilance

Sans doute n’est-il pas vraiment utile de revenir ici et trop longuement sur l’actualité et les débats très difficiles qui nous préoccupent aujourd’hui. N’empêche, la montée en puissance du racisme, de la xénophobie, de l’antisémitisme, des stigmatisations de toutes natures, des amalgames toujours plus réducteurs et toujours plus simplistes et de tout ce qui mène à la haine et à l’exclusion de l’Autre…, tous ces phénomènes sont très inquiétants car ils risquent de fragiliser fortement la démocratie (telle que nous la concevons) et les fondements de la construction européenne: la liberté, la justice et la solidarité. Évitons d’être dupes ou naïfs; s’il est communément admis que la construction européenne est un vecteur de paix pour les pays qui la composent, il faut évidemment déplorer la distance qui existe entre les intentions et une réalité qui nie trop souvent les dimensions sociales et humaines de ce qui est et reste un formidable défi à relever.

Dans ce contexte, porter le triangle rouge aujourd’hui revêt un caractère de résistance qui implique une action citoyenne et qui rappelle en permanence qu’il est nécessaire d’exercer une vraie vigilance envers toutes ces libertés fondamentales de plus en plus menacées et pourtant si chèrement «acquises».

Et concrètement?

Cette nouvelle campagne veut prendre une part active dans le programme «L’Europe pour les citoyens» (1)… le bien nommé. Organisé par l’UE, ce programme poursuit plusieurs objectifs auxquels les porteurs du projet adhèrent pleinement: encourager la participation démocratique en donnant accès à un engagement sociétal, interculturel et volontaire au niveau de l’Union, sensibiliser au travail de mémoire et promouvoir la paix et le bien-être des citoyens européens, développer des réseaux de résistance, etc.

Le triangle rouge est porteur d’une symbolique forte qui sera déclinée de plusieurs façons: invitation à relayer la campagne par l’intermédiaire des réseaux sociaux et vers ses contacts personnels, poster sa photo en arborant le pin’s pour alimenter la galerie citoyenne dédiée à la campagne, participer à des conférences thématiques dans les pays concernés, développer des projets spécifiques au niveau local. Il est encore intéressant de préciser que cette campagne vise clairement deux types de publics: l’ensemble des citoyens européens et toutes les organisations impliquées dans le domaine de la transmission mémorielle et de l’éducation à une citoyenneté responsable. Ces associations sont en contact régulier avec la Fédération Humaniste Européenne.

Bien sûr, le projet se met progressivement en place, mais les protagonistes sont convaincus de la pertinence d’une telle action car plus que jamais, l’urgence de résister doit mobiliser toutes nos énergies citoyennes.

 


(1) Cf. «Europe pour les citoyens», sur http://eacea.ec.europa.eu.