Le Red Star Line Museum à Anvers propose une reconstitution de l’histoire des migrations humaines de l’Europe vers les États-Unis à la fin du XIXe et au XXe siècle. Des histoires d’hommes et de femmes ayant fui la guerre, la misère ou voulant rejoindre une famille. Autant de raisons qui résonnent avec celles des migrants qui affluent vers l’Europe aujourd’hui. Un voyage dans le temps, sur les traces des migrants, pour mieux comprendre le présent.
L’histoire nous apprend que l’homme a depuis tout temps traversé les continents à la recherche d’un lieu prospère. Le Red Star Line Museum, le musée de l’ancienne compagnie maritime à Anvers, reprend l’un des épisodes historiques de la migration humaine. À la fin du XIXe jusqu’au XXe siècle, des millions d’Européens quittent le vieux continent vers un avenir meilleur, dans le Nouveau Monde. C’est ce que l’histoire appelle communément le «rêve américain». «L’un des objectifs de la création du Red Star Line Museum consiste à comprendre l’histoire des migrants d’autrefois et des migrations humaines au sens large afin de poser une réflexion sur le contexte des migrations d’aujourd’hui», nous confie Bram Beelaert, historien et curateur du musée.
Dans la peau d’un migrant européen… au XIXe siècle
Nous sommes à la fin du XIXe siècle. La Red Star Line, filiale d’une compagnie maritime belgo-américaine est alors créée afin de transporter des marchandises et des passagers de l’Europe vers les États-Unis. La majorité d’entre eux sont des passagers de troisième classe qui doivent subir un examen médical strict et administratif dans les hangars de la compagnie. Durant 60 ans, ce lieu emblématique servant de transit vers les États-Unis fait passer 2 millions d’Européens, principalement d’Allemagne et d’Europe de l’Est. En 1934, c’est la chute des activités de la Red Star Line telle qu’elle est connue.
Depuis septembre 2013, les hangars de la Red Star Line se sont transformés en musée. Les récits, les témoignages audio, les photos, les listes de noms et lettres jaunies font office de supports pour marcher sur les traces des émigrants. De la traversée de l’Europe en train à l’arrivée à Ellis Island, une petite île à quelques kilomètres de New York, l’immersion est totale. Une fois le candidat à l’exil autorisé à quitter Anvers, il peut embarquer sur le paquebot où une traversée de deux semaines l’attend en soute. Le voyage est aussi rude pour les passagers de troisième classe qu’il est confortable pour les voyageurs de la classe aisée de l’époque. Les inégalités sociales ne sont de fait pas épargnées à bord.
Autant de visages que d’histoires
Les récits des migrants constituent le pivot du musée. «Nous avons repris des histoires et témoignages de personnes ayant migré et représentatives par chapitre de l’histoire de l’homme», précise Bram Beelaert. Parmi les passagers, on retrouve des noms connus comme Albert Einstein qui fuit définitivement l’Europe en 1933 à l’arrivée d’Hitler au pouvoir ou encore le compositeur juif russe Irving Berlin, Israel Isidore Balin de son vrai nom, qui fut l’un des plus grands compositeurs du XXe siècle aux États-Unis avec son célèbre White Christmas. Mais il y a aussi des témoignages de femmes et d’hommes qui racontent tantôt une fin de migration heureuse tantôt un triste destin. Et là encore, le visiteur peut s’identifier en retrouvant des similitudes avec l’histoire d’un proche ou sa propre histoire, car les raisons qui poussent les personnes à partir sont innombrables.
Du passé à aujourd’hui
Penser aux émigrants et immigrés du passé, apprendre leur histoire et comprendre ce qu’ils ont traversé nous amène à penser aux émigrants et immigrés d’aujourd’hui. Leurs visages ne sont pas connus, leurs histoires ne sont pas encore écrites sur papier. Parmi ces enfants, on ne connaît pas encore les futurs Albert Einstein ou les Irving Berlin. Peut-être n’auront-ils jamais l’occasion de le devenir devant les portes fermées de l’Europe. Le «rêve européen» n’est pas, n’est plus. Mais il est une autre chose que l’histoire nous enseigne, selon Bram Beelaert: «La migration humaine existe depuis tout temps et existera toujours. C’est un fait qu’on ne peut nier et qu’il faut accepter.» Outre les arguments économiques ou démographiques, le Red Star Line Museum souligne la nécessité de se tourner vers des arguments objectifs et historiques afin de se centrer sur l’enjeu humain avant tout.