Mais une laïcité sans adjectif, sans particule, sans assignation nationale: une laïcité qui se résumerait à un principe humaniste qui fonde le régime des libertés.
Une laïcité qui ouvre un espace à vivre, où respirer, où partager sans mortification, sans jugement a priori. Une laïcité qui se préoccupe du bien commun avant de se soucier des conforts particuliers. Une laïcité qui oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre examen. Une égalité entre les citoyens qui impose d’abolir les privilèges et de gommer les discriminations. Une laïcité qui va bien plus loin que la tiédeur de la neutralité, que la bienveillance de la tolérance.
Donner le choix et respecter les choix. Ne pas copier sur le voisin, ni raturer dans l’écriture de sa vie. Ce qui fait société sont des valeurs communes partagées et pas la juxtaposition de particularités convictionnelles tout en reconnaissant que ce foisonnement de différences fait la richesse de l’ensemble, mais n’est pas pour autant ce ciment qui lui donne force et cohérence.
Dans l’immense solitude de l’hyperconnecté, on sombre écrasés par les tweets, pressés par les mails, poursuivis par les selfies et l’on recherche un saint auquel on pourrait se vouer. Et si on remplaçait la quantité des informations par la qualité des savoirs, si on permettait l’accès aux connaissances pour le plus grand nombre et si on s’engageait dans un parcours commun d’apprentissage qui passe inévitablement par l’implication de tous?
Alors, ne fractionnons pas les savoirs sur des bases théologiques, allons à l’essentiel des réalités, des connaissances à partager, sans jugement de valeur, juste pour disposer d’une matière commune où on peut ensuite laisser vagabonder notre liberté, titiller notre libre examen. Et puis, respirons un grand coup et balayons d’un souffle puissant les barrières morales bien pensantes ou mal intentionnées.
On ne va pas tout réinventer, tout découvrir ou redécouvrir. Sachons de l’expérience accumulée utiliser les passerelles pour tracer notre chemin et construire notre vie. Confirmons le corpus des droits fondamentaux comme des balises communes qui garantissent le respect des personnes, n’empêchons nullement le débat des idées, n’assignons personne à résidence convictionnelle, assurons la libre circulation des personnes et des idées, bref, générons un bel espace de libertés.
L’émotion, la compassion, le recueillement sont certes dignes de respect, mais ils ne peuvent nous dédouaner de notre éventuelle passivité, de notre coupable indifférence vis-à-vis des causes qui ont soutenu les dérives violentes et abjectes qui ont ensanglanté notre histoire récente.
Décliner sans ambiguïté, à partir d’une référence constitutionnelle, le principe de laïcité, des garanties au niveau de l’impartialité des pouvoirs publics et relatives à la neutralité des agents de services publics. Garantir les libertés individuelles dégagées de la censure de morales confessionnelles ou convictionnelles spécifiques. Conforter des acquis en matière d’éthique qui garantissent le libre choix des personnes que ce soit en matière d’avortement ou d’euthanasie. Contribuer à l’émancipation des citoyens en assurant, dès le plus jeune âge, une éducation à la vie affective et sexuelle. Renforcer les dispositifs et leur application en matière d’égalité des genres. Remplacer, dans l’enseignement, les niches de cloisonnements confessionnels par une approche, tous les élèves réunis, des questions de citoyenneté, de philosophie et d’histoire des religions. Stopper l’utilisation abusive du principe pourtant légitime de la clause de conscience, à condition de la limiter aux seuls prestataires directement concernés et de les obliger en contrepartie à orienter, en temps utiles, vers des pistes de traitement possibles. Éviter toute confusion entre les cérémonies civiles et les commémorations religieuses.
Éviter toute confusion sémantique entre la sphère privée, la sphère publique et l’espace public; la sphère privée est à chacun, la sphère publique est à tout le monde dans la diversité, l’espace public est au service de tous avec des modalités communes pour tout le monde.
Alors qu’on assiste au retour des dogmatismes religieux, des communautarismes, des extrémismes, la laïcité se présente comme une évidence de vigilance et d’intervention. En se battant pour les libertés, la laïcité milite aussi pour que chacun puisse adhérer à la religion de son choix, pour l’égalité concrète des chances et des droits, pour la promotion de l’interculturalité, pour la solidarité entre les personnes et peuples. Pour que ce bel objectif d’être libres ensemble ne reste pas une utopie, il faut disposer d’un tronc commun pour garantir la liberté des frondaisons.