Espace de libertés | Juin 2018 (n° 470)

Petit théâtre de l’insulte sexiste


Des idées et des mots

Que celui qui ne s’est jamais laissé aller à un bon mot «limite»jette la première pierre. Mais aujourd’hui, certains propos qui étaient naguère de l’ordre de la blague de comptoir de bas étage sont légalement répréhensibles. C’est le cas des insultes sexistes qui ont vu leur impact être démultiplié avec l’avènement d’Internet. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, la Belgique a fait œuvre pionnière avec la loi du 3 août 2014 –unique au monde au moment de sa promulgation– qui condamne les actes dégradants physiques et verbaux, tels que les insultes et les gestes obscènes commis dans des circonstances publiques, donc aussi sur les forums Internet ou les réseaux sociaux. Bien entendu, l’insulte sexiste n’est pas à sens unique précise la linguiste de l’ULB Laurence Rosier, et n’est donc pas l’apanage des hommes, tant s’en faut. Néanmoins, il est un domaine où la réciproque dans l’outrance genrée n’est peut-être pas de mise:le ciblage des femmes politi­ques et publiques par des discours d’une violence sexiste hallucinante qui, le plus souvent sur un mode ludico-sarcastique, se déchaîne à l’encontre de ces femmes qui, pour une raison ou une autre, sont sous les projecteurs de l’actualité. C’est dans les réseaux sociaux où la parole semble devoir se défaire de tous les garde-fous que Laurence Rosier a trouvé un «corpus en actes»particulièrement foisonnant. En bonne linguiste, elle analyse ici «les rapports au langage (en tant que) relation au pouvoir et à la légitimité d’une parole violente comme arme politi­que». À lire et à méditer.