Espace de libertés | Octobre 2021 (n° 502)

Ces profs et ces chercheurs « trop bavards »


Des idées et des mots

Produire des énoncés qui peuvent gêner les pouvoirs, remettre en cause et évaluer les idées préconçues : voici ce que tout universitaire devrait pouvoir faire dans l’exercice de ses fonctions d’enseignant ou de chercheur. Or aujourd’hui, des menaces de plus en plus lourdes et diversifiées pèsent sur la liberté académique à travers le monde. Qu’elles émanent des pouvoirs politiques, des autorités religieuses, des milieux économiques ou encore des autorités de l’université elle-même, ces interférences dans le travail du chercheur peuvent miner, voire anéantir, sa liberté d’enseigner, de chercher et de servir la société. Cet ouvrage met en avant des situations concrètes où la liberté académique est en danger. De la Syrie, où la guerre a tout anéanti, à l’Iran où des dizaines de chercheurs dorment en prison, en passant par la Turquie où les intimidations, exclusions et condamnations d’universitaires se multiplient depuis 2016, certains États sont prêts à tout pour faire taire les chercheurs trop bavards. La situation n’est guère plus enviable dans certaines universités hongroises, où s’intéresser aux études de genre constitue un motif de renvoi. « Fais tes recherches et tais-toi » : cette phrase lancée à un chercheur burundais résume à elle seule l’oppression subie par les universitaires. Selon Scholars at Risk, plus de 300 chercheurs sont emprisonnés, menacés de mort ou sous le coup de sanctions pénales à cause de leurs recherches. Même dans nos démocraties, les menaces pèsent sur la liberté académique. À l’ère de l’excellence, les maîtres mots des politiques d’enseignement supérieur sont compétitivité, employabilité, innovation et économie de la connaissance. Des discours néolibéraux qui obligent les chercheurs à produire toujours plus pour figurer en tête des classements. Assiste-t-on à la mort de la liberté académique ? La vingtaine de chercheurs qui interviennent dans cet ouvrage collectif apportent une réponse inquiète, mais mettent en lumière une série d’initiatives de solidarité internationale entre universitaires. (vc)