Que diriez-vous à Ganesh, ce dieu hindou à la tête d’éléphant, si vous pouviez faire causette le temps d’une rencontre impromptue ou si vous pouviez vous mettre à la place même de Bappa, son petit surnom ? L’expérience fut tentée à Mumbai, où les citoyens se sont bousculés pour exprimer leurs doléances à propos de l’activisme anti-ondes, de l’écologie, mais aussi des minorités. Avec en fin de compte, une parole libérée dans moult domaines. Concrètement, le projet Ganesh Yourself, incarné par un robot ayant l’apparence du dieu éléphant, mais avec le visage du passant souhaitant prendre sa place, permettait de dialoguer avec d’autres reliés de l’autre côté de l’interface. La démarche de son auteur, l’anthropologue Emmanuel Grimaud, entendait interroger la possibilité de donner un visage humain à Ganesh, mais aussi qu’un robot puisse prendre la place d’une divinité. Sans oublier la question du blasphème, puisque l’anthropologue ignorait comment cette démarche serait perçue par les Indiens. Dans son livre Dieu point zéro. Une anthropologie expérimentale, le chercheur du CNRS explique qu’il fut bluffé par l’intelligence des citoyens qui se sont emparés de l’outil pour remettre en cause leurs attentes philosophiques et les adapter à notre monde actuel, tout en déconstruisant et réinventant ce dieu afin de sortir des postures un peu cliché relevant du dieu punisseur ou bienveillant. Bappa a ainsi permis d’interroger les mécanismes de croyance, mais également la façon de traiter la reconstruction face à la dissolution (de la foi, de la technologie, de l’environnement, des postures sociales). En somme, une voie originale et ludique pour aborder la métaphysique et la politique. (se)
Quoi?!