Le soleil semble enfin procurer à ma peau cette chaleur que l’on ne ressent qu’à partir du mois de mai. Instinctivement, je lève mon visage vers sa lumière un court instant avant de pénétrer dans l’école où j’ai rendez-vous avec la direction, le centre PMS et les enseignant.e.s pour évaluer le projet EVRAS de l’année écoulée.
Cette école est particulièrement charmante : tout en bois, elle ressemble à un chalet suisse. Les classes sont modernes, lumineuses et c’est un réel plaisir de venir y travailler. Ces impressions positives n’empêchent pas la fatigue de nous avoir gagnés, mon collègue animateur, le corps enseignant et moi-même, en cette fin de second semestre. Et c’est avec les traits tirés et quelques bâillements à peine masqués que nous entamons la réunion.
La directrice démarre les échanges en rappelant les objectifs de nos interventions. Elle a souhaité que nos animations se déroulent chaque année, de la 3e maternelle à la 6e primaire. Et c’est en concertation avec les professeurs que nous avons élaboré les thématiques des différentes séances.
Monsieur Yassin, titulaire de la classe de M3, nous explique que notre animation sur les émotions a renforcé le travail déjà effectué avec les enfants autour de ce sujet. Tous les matins, en effet, les petits sont invités à transmettre au groupe-classe leur météo du jour : comment s’est passée la nuit, les souvenirs de la veille et leur état émotionnel du moment. Il a jugé particulièrement utile le travail que nous avons proposé autour de la gestion des émotions envahissantes : respirer par le ventre, contracter puis relaxer des différents groupes musculaires, dessiner sa colère, sa tristesse ou sa peur et formuler une demande en lien avec celles-ci.
Des bénéfices à tous les niveaux
Pour les deux premières années primaires, nous avions mis l’accent sur la gestion de l’intimité. Les deux enseignantes soulignent la prise de conscience par leurs élèves de la notion de bulle. Ils aiment à revendiquer leur espace privé et sont attentifs à ne plus se toucher les uns les autres sans obtenir l’accord de leurs camarades. Elles ont apprécié aussi que nous ayons varié les supports : jeux de rôle autour de l’envahissement de la sphère privée, lectures, cercles de parole et photo-langage.
En 3e primaire, nous avions abordé la diversité des familles. Chaque enfant a pu construire sa propre famille à partir de figurines de papier. Ils ont pris conscience des différentes configurations existantes dans la classe : famille monoparentale, recomposée, nombreuse, etc. L’objectif est de sensibiliser à la diversité, d’ouvrir à la pluralité des modèles et de développer la tolérance à la différence. Le titulaire souligne l’effet positif de ces séances sur la dynamique de classe. Les élèves ont appris à mieux se connaître et lui-même se sent plus outillé pour comprendre les comportements des enfants. Il aimerait que nous venions tôt dans l’année scolaire suivante, afin de créer d’emblée une certaine cohésion de groupe.
© Olivier Wiame
En 4e et 5e, l’accent a été mis sur les stéréotypes au sens large. Nous avons aussi abordé la différence entre l’amour et l’amitié et répondu aux questions qui émergent déjà sur les changements pubertaires. Les titulaires aimeraient davantage d’interventions tout au long de l’année, afin de pouvoir suivre l’évolution du questionnement des enfants.
En ce qui concerne la classe de sixième, nous sommes intervenus en co-animation avec le centre PMS autour des relations filles/garçons et des changements physiques et psychologiques du début de l’adolescence.
Les profs, aussi en demande
Ce temps d’évaluation est essentiel dans un projet ÉVRAS. Il permet de comparer le travail accompli aux objectifs initiaux et d’envisager les perspectives futures. Nous avions aussi, à la fin de chaque séance, sondé les élèves sur leurs ressentis et besoins en lien avec l’animation.
Les titulaires poursuivent la discussion en exprimant leurs difficultés face aux comportements de certains élèves en lien avec la sexualité. Ils aimeraient un espace de parole spécifique à ces questions, sécurisé et soutenant. Ce dispositif nous semble particulièrement riche : il permet que les professeur.e.s qui ne se sentent pas capables d’agir en matière d’ÉVRAS puissent être accompagné.e.s. Nous proposons d’organiser des séances mensuelles de rencontre avec les instituteurs/trices.
En clôturant notre réunion, nous réalisons que nous avons augmenté d’une quinzaine d’heures le projet dans l’école. Un projet essentiel, qui permet de proposer des moments où les enfants peuvent se confier, s’écouter, apprendre à découvrir la différence de l’autre et en même temps, toute l’universalité qui les relie. Un dispositif qui vise à réduire le risque de harcèlement, le manque de confiance en soi tout en renforçant la dynamique de groupe.
La généralisation de l’ÉVRAS qui permettrait que chaque élève puisse bénéficier d’animations de qualité au cours de son cursus nous semble essentielle. La réalité est que nous manquons de moyens humains et financiers et que nous sommes soumis à des enveloppes budgétaires annuelles qui entravent la pérennisation des projets. Pourtant, il nous paraît certain que l’ÉVRAS permet d’éviter de nombreux écueils dont les coûts financiers et sociaux sont inestimables.