Espace de libertés | Juin 2019 (n° 480)

Un regard dans le rétro


Des idées et des mots

Quand le premier Président du Conseil de l’Union européenne sort de sa retraite rhodienne et décide de prendre la plume pour davantage de caractères que ceux de rigueur pour un haïku, forcément, l’attention de l’observateur politique lambda est attirée. Drôles d’Anti-mémoires d’ailleurs qui, au fil des pages, oscillent entre souvenirs personnels, pans de carrière commentés et réflexions au coup par coup sur l’avenir de l’Europe. Ce cocktail se lit aisément et, souvent, surprend par sa candeur lorsqu’on se souvient que Van Rompuy a été le président et le multi-ministre d’un parti politique, le CD&V, dont l’excellence de son analyse des rapports de force n’a d’égale que le cynisme à tout crin dont il fait preuve depuis sa création.

Il mérite aussi d’être décrypté car, au-delà ce de qui est dit avec une certaine franchise (sa foi comme source d’inspiration à son action, la similitude entre les modes d’action politique à tous les niveaux de pouvoir…), d’autres passages sont eux plus subliminaux. Au point d’avoir parfois envie de s’exclamer : « François, sors de ce corps ! » C’est évident lorsqu’il reprend la sempiternelle tirade du pape sur l’ »individualisme croissant », « principal obstacle sur la voie vers plus d’humanité ». Et il en est de même quand, évoquant « le manque d’harmonie [qui] trouve aussi des origines plus profondes en dehors du champ politique et socioéconomique », il cite comme autre facteur l’ »instabilité familiale ». En parfait écho au synode du Vatican sur la famille, selon Monsieur Van Rompuy, « l’homme est une créature simple » qui a besoin d’un « nid » et il affirme ensuite qu’ »au nom de la liberté, on a longtemps ignoré que cette instabilité familiale pèse sur les enfants et les conjoints (et) devient un phénomène de société ». Enfin, parmi les quelques perles dénichées dans ces Anti-mémoires (et il y en a !), comment ne pas retenir celle-ci, peu de temps après un triple scrutin électoral ? « L’esprit flamand ne s’est jamais transformé en une sorte de sentiment de supériorité »… Une lecture instructive qui éclaire le regard que l’on peut porter sur notre récente histoire politique et le rôle qu’a pu y jouer Herman Van Rompuy. Puisqu’il avoue lui-même que « l’expérience [lui] a appris qu’il ne faut jamais perdre le contact avec son frein à main »… (bvdm)