D’abord, l’enfant dessine le contour de son corps. Possiblement coupé, capablement détaché de la mère, du père, du Saint-Esprit, de la famille, de l’école, il cherche ensuite à être seul, à être personnellement par et pour lui. Puisque son corps physique et mental grandit, évolue, prend de la place, de la hauteur, il interprète la position debout comme pilier, épicentre. Rien ni personne sauf lui, à peu près ou complètement, selon les cas.
Puis il apprivoise sa silhouette et sa physicalité, peaufine son allure. Il appréhende volontairement ou pas ce que ses rebords engendrent dans le regard des autres. Il parvient plus ou moins à s’allier à, à intégrer consciemment un autre corps que le sien, un corps plus grand, plus large, le corps social. Des règles de bases font droit et loi. Il faudra donner, recevoir, rendre. S’il sort de ce triangle d’or, il lui faudra assumer la marginalité, la violence que les autres croiront qu’il instaure ou celle qu’il désire. Intégrer ce corps vaste et flou peut permettre d’être en lien, en regard et en question. Dans des cas de restriction, de crise intellectuelle et financière par exemple, ce corps social construit une forteresse, cherche à annihiler l’individu, à l’intégrer dans son ventre vaste. Idéalement, philosophiquement, l’enfant-qui-veut-rester-un-sans-être-mangé-par-tous va lutter contre des déterminismes, des castrations, des héritages socioculturels, des inconsciences collectives.
Si le corps de l’enfant-devenu-un expérimente le corps social procuré par une organisation globale composée de plusieurs corps intermédiaires qui revendiquent leur autonomie et leur plus grand nombre florissant et foisonnant, il se sent libre.
Si, à un moment, ce corps social engendre son plus grand délit, soit celui d’exister au-dessus de (et non par/pour) tous, démiurge despote dévore cet enfant-qui-veut-rester-un-mais-pas-à-tout-prix, d’autres, tous. Si ce corps trouve forme en lobbies-partis politique-clergés qui monopolisent action et pensée, les individus uniques, comme l’enfant-devenu-un-comme-seul-contre-tous se scindent en deux possibles: moutons clonés (corps techniques) ou loups sauvages (corps individués).
Au summum, le corps social devient corps unique indispensable, comme Dieu, Mao, Staline, Oncle Sam, Wall Street, Mc Do, Monsanto, il devient corps glouton de l’honnêteté et de la moralité. Et là, l’enfant-devenu-un sombre, tombe, succombe jusqu’à fondre.
P.-S. À lire en écoutant Power and Freedom de Sarah Boothroyd sur http://sarahboothroyd.com.