Espace de libertés – Mai 2015

Baisse de la mortalité infantile: les engagements internationaux ne seront pas tenus


Dossier
À [quelques mois] de la date limite du 31 décembre 2015, le quatrième objectif du millénaire pour le développement (OMD) arrêté en 2000 –la réduction de deux tiers de la mortalité des enfants de moins de cinq ans– ne sera pas atteint si les tendances actuelles persistent.

Selon l’Unicef, qui a publié en septembre 2013 un rapport consacré à la mortalité infantile et intitulé Une promesse renouvelée, cet objectif ne serait atteint qu’en 2028. Et 35 millions de très jeunes enfants mourront entre 2015 et 2018 de «causes pour la plupart évitables». Aujourd’hui, 18 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque jour, de pneumonie, de complications prénatales, de diarrhées et de paludisme. Mais l’agence des Nations unies dédiée à la protection de l’enfance ne désespère pas. Des progrès importants ont été réalisés: si, en 2012, 6,6 millions d’enfants de moins de cinq ans sont décédés, ils étaient 12,8 millions en 1990. Les progrès les plus importants ont été réalisés en Asie du Sud (38% des enfants sauvés), et en Afrique subsaharienne (30%). Certains pays ont même déjà atteint leur objectif du millénaire pour le développement avant l’échéance de 2015: le Bangladesh, l’Éthiopie, le Liberia, le Malawi, le Népal ou encore la Tanzanie.

«Nous devrions nous réjouir de ces progrès», a déclaré Anthony Lake, directeur de l’Unicef, «mais comment le faire alors que tant d’efforts restent à réaliser pour atteindre notre objectif? Nous pouvons accélérer les progrès et nous savons comment nous y prendre pour y parvenir, nous devons agir de toute urgence.»

L’instabilité politique aggrave la situation

Sur le terrain, des causes multiples expliquent les difficultés à réduire la mortalité infantile.

Sur le terrain, des causes multiples expliquent les difficultés à réduire la mortalité infantile. En Afrique de l’Ouest par exemple, les progrès sont très limités en raison de l’instabilité politique de la zone. «Au Mali, en République centrafricaine, dans l’est de la République démocratique du Congo, les conflits, les violences s’ajoutent à des situations d’urgence continue, liées à la sécheresse, aux inondations», explique Guide Borghese, conseiller développement de l’enfant à l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et centrale. «Tout cela affecte les services de santé et nous ne sommes pas en mesure de réagir à ces situations.»

Des mariages précoces, dès l’âge de 12 ans dans certains cas, rendent par exemple quasi impossible la maîtrise par les femmes de leur état de santé.

À ces urgences circonstancielles ou permanentes s’ajoutent d’autres problèmes, comme la croissance démographique exponentielle, avec des taux de fécondité élevés comme au Niger (7 enfants par femme). «Des mariages précoces, dès l’âge de 12 ans dans certains cas, rendent par exemple quasi impossible la maîtrise par les femmes de leur état de santé, ajoute M. Borghese. Et les taux extrêmement faibles de scolarité et les politiques de croissance économique qui ne profitent qu’à quelques couches de la population noircissent encore le tableau.»

Car, sans surprise, les populations les plus pauvres, les plus éloignées aussi des centres de santé, sont les premières victimes. Le problème n’est pas que quantitatif, explique l’Unicef, il faut des politiques adaptées. «Il faut utiliser efficacement les ressources disponibles, détaille Guide Borghese. Les unités de traitement de la malnutrition doivent être installées au plus près des populations concernées. De même que les distributions de moustiquaires imprégnées contre la malaria, de médicaments ou de vaccins.» La gratuité des soins ou, dans certains cas, la mise en place de systèmes de cash transfer –la distribution d’argent liquide localement– ont grandement contribué à la réussite de politiques sanitaires plus efficaces.

Le Niger a adapté sa politique sanitaire

L’exemple du Niger est ainsi édifiant. Le taux de mortalité infantile y a diminué de 326 pour 1 000 à 114 pour 1 000, soit une réduction de 65% entre 1990 et 2012. «Le chiffre reste élevé, mais l’utilisation des ressources a été optimisée avec la proximité des centres de santé, une meilleure prise en charge des maladies qui a été gérée au niveau communautaire, raconte le responsable de l’Unicef pour la région. Dans cette expérience, des agents de santé communautaires ont été nommés. Ce sont des personnes qui ont des notions de base de santé mais habilitées à faire des vaccinations ou des distributions de médicaments.»

Ces politiques à destination des plus démunis portent leurs fruits. Cent septante-six gouvernements se sont engagés à «redoubler d’efforts en faveur de la survie de l’enfant», dit l’Unicef, tout comme des associations, des organisations professionnelles et des particuliers. Sur le terrain, dit Guide Borghese, «il faut d’abord construire la paix, la stabilité et améliorer la situation des femmes».

 


Cet article a été publié pour la première fois le 13 septembre 2013. Nous le reproduisons ici avec l’aimable autorisation du Monde.