À Liège, dans le quartier du Molinay, les ateliers de soutien à la réussite participent d’une approche intégrée de l’enseignement et de l’éducation.
En 2005, la Ville de Seraing publiait son Master Plan, vaste projet de reconversion de son bassin sidérurgique en proie aux aléas vécus par l’industrie de l’acier. Le CAL de la province de Liège, implanté dans le quartier multiculturel et précarisé du Molinay depuis 1997, s’inquiéta alors de la place qui y était réservée au quartier et à ses habitants. Soucieux de développer une approche inclusive, convaincu des potentialités de chacun, il commanda à l’Institut Jules Destrée une étude participative et prospective, intitulée «Molinay 2017» afin de dégager des propositions d’évolution en envisageant le quartier dans son cadre systémique.
En plus des différents domaines envisagés (le logement, l’urbanisme, la mobilité ou encore l’environnement et la culture), deux enjeux centrés autour du renforcement de la qualité de l’investissement et de la lutte contre la ségrégation des parcours scolaires afféraient plus particulièrement à l’enseignement. Un partenariat fut signé avec la petite école communale Morchamps présente dans le quartier. Une équipe a été mise en place, un projet lancé. Les ateliers de soutien à la réussite venaient de voir le jour avec pour ambition, au départ d’un travail concret de terrain, de nourrir la réflexion générale sur l’enseignement officiel et d’expérimenter et de partager des outils relatifs à la prise en charge des populations marginalisées.
Sortir de la marginalité…
Aujourd’hui, les ateliers de soutien à la réussite forment, avec les ateliers du mercredi (projet pilote éducatif qui aborde la question du vivre ensemble avec une trentaine d’enfants d’âges, de sexes, d’origines sociales, de nationalités et de croyances différentes) et les ateliers de découvertes extraordinaires (qui visent à mettre en valeur la diversité culturelle et à vivre des moments collectifs positifs au travers d’activités culturelles, ludiques, sportives, didactiques, etc.), le projet pilote global du CAL/Liège pour une approche intégrée de l’enseignement et de l’éducation.
Au centre de la réflexion, les enfants «différents» et la place que nous leur accordons dans notre système d’enseignement ainsi que ces questions qui reviennent inlassablement: comment lutter contre les déterminismes? les discriminations? Comment travailler l’inclusion? Avec quels outils?
En effet, le caractère marginalisé de la population du Molinay est frappant. Être en situation illégale, ne pas parler le français, ne pas avoir ou ne pas trouver d’emploi, être endetté, être immigré, éprouver des difficultés financières, être issu d’un milieu social défavorisé, vivre dans un quartier ghetto… Chacun de ces éléments, à sa manière, est un tremplin vers le statut de marginal, c’est-à-dire de personne mise entre parenthèses, ne comptant plus aux yeux de la société.
… par la valorisation
Or, dans bon nombre de cas que nous avons rencontrés, des dispositifs de soutien efficaces peuvent être mis en place avec une relative facilité. Par exemple, il apparaît évident qu’un jeune allophone n’a bien souvent besoin que de temps supplémentaire pour se mettre à niveau par rapport à la langue de l’enseignement. Au sein des ateliers, il faut un an de suivi extrascolaire pour permettre à un allophone complet d’acquérir un niveau de français suffisant que pour lui permettre de suivre correctement les cours. Un enfant en décrochage a besoin d’entendre que l’on peut lier plaisir et apprentissage (l’équipe a d’ailleurs développé à cet effet plusieurs outils associant ludisme et pédagogie); il a aussi besoin d’une attention particulière, d’un suivi, voir d’un dispositif particulier et les taux de participation (complet) et de présences (85 % sur base volontaire) aux ateliers démontrent au quotidien qu’en matière de décrochage, il y a beaucoup plus de problèmes non traités que de problèmes insolubles.
Finalement, la question essentielle est celle de savoir quel regard nous portons sur ces jeunes. Si une absence de regard est souvent l’équivalent d’une mort sociale (je ne te vois pas donc tu n’existes pas à mes yeux), un regard méprisant ou condescendant peut éteindre. Là où, a contrario, un regard bienveillant, valorisant, voire exigeant, peut à n’en pas douter aider à grandir. La clé méthodologique pour lutter contre la discrimination est donc la valorisation des individus, c’est-à-dire l’attention particulière accordée régulièrement à un enfant et à son développement, la valorisation de sa personne et du travail qu’il accomplit, l’énergie déployée pour l’aider à se prouver à lui-même qu’il est un être unique, important et surtout capable. C’est faire de sa réussite un enjeu de société.