Espace de libertés | Septembre 2019 (n° 481)

Dossier

Grâce à une centaine de bénévoles, le Service laïque d’aide aux personnes (SLP) permet aux patients d’exprimer ce qu’ils ressentent, pensent ou vivent face à une étape cruciale de leur existence. Le but : apporter de l’humain dans la machine hospitalière.


La présence de conseillers laïques et religieux au sein de l’hôpital se veut complémentaire de celle des autres intervenants au niveau social, psychologique et médical. « Il y a tout intérêt à considérer le patient dans ses différentes dimensions. Cela fait bien longtemps que les bénéfices d’un tel accompagnement sont démontrés », relève Dan Lecocq, maître de conférences et chercheur à l’École de santé publique. C’est une loi de 1973 – la circulaire de De Saeger – qui règle l’assistance morale et religieuse dans notre pays.

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Dès son admission, le patient doit être informé de la possibilité d’être accompagné par un conseiller laïque. Pas question néanmoins de faire du prosélytisme, le conseiller n’intervient qu’à la demande explicite du patient. « Le conseiller laïque n’est ni un psychologue, ni un assistant social, et encore moins un infirmier. Il est là pour offrir une écoute active par rapport aux besoins du patient, dans le respect de son cheminement de vie », résume Andrée Poquet, présidente du SLP.

De l’écoute laïque au carrefour spirituel

Les thèmes abordés par le conseiller avec le patient sont infinis : crainte de la douleur, souffrance, renseignements sur la fin de vie… « L’inquiétude est souvent au centre de l’échange. Lors d’une hospitalisation, on perd généralement ses repères, on se sent en état de fragilité. Notre rôle est d’ajouter du tempo humain dans la machine hospitalière. »

Si ce rôle d’écoute apparaît comme essentiel, dans les faits, la demande reste très limitée de la part des patients. « C’est une réalité, et elle n’est pas propre aux conseillers laïques. Quand on discute avec les officiers du culte, ils sont dans la même situation que la nôtre. On ne les appelle pas davantage. »

Pour Andrée Poquet, les conseillers laïques doivent davantage se faire connaître. « Sans faire de prosélytisme, évidemment. Mais il faut oser se montrer, il faut développer l’assertivité des conseillers, d’autant que leur rôle tout comme leur dénomination restent mal connus des patients et de leurs proches. »

Tout l’enjeu est donc de positionner le conseiller dans l’institution complexe et en permanente évolution qu’est l’hôpital. Si, par le passé, le temps de l’hospitalisation durait plus longtemps, aujourd’hui, une hospitalisation sur deux se déroule dans la journée. « Les patients restent un minimum de temps. Dès lors, quand ils sont en institution, c’est toujours pour des phases aiguës, où la priorité est autre que de mettre des mots sur son mal. Auparavant, le temps du dialogue était plus simple », reconnaît Andrée Poquet. L’aide à offrir par le SLP doit dès lors s’adapter à cette nouvelle réalité. « En travaillant en amont, au niveau des consultations, en anticipant les hospitalisations, et en acceptant aussi, comme le font déjà quelques régionales, de faire du service à domicile… »

Dans ce contexte, une des évolutions les plus notables du métier de conseiller laïque s’est faite avec l’apparition de carrefours philosophiques et religieux au sein des hôpitaux. « Des lieux de rencontre où des permanences sont proposées aux patients et à leurs proches. Elles sont tenues par un curé, un pasteur ou un conseiller en fonction des disponibilités. Chacun ventile alors les besoins et les demandes et renvoie vers la personne adéquate. C’est une pratique à généraliser car elle répond aux réalités institutionnelles de l’hôpital. »

Des différences régionales

Côté organisation, le SLP est composé de sept régionales. « Chacune ayant des spécificités locales avec un réseau hospitalier très différent d’un coin du pays à l’autre. » Bruxelles, avec 19 conseillers, propose une permanence dans 11 hôpitaux sur les 40 répertoriés sur le territoire régional. Avec 15 bénévoles, celle de Charleroi en couvre 4 sur 14. Liège, avec 13 conseillers, couvre 14 institutions sur 24. La palme revient au Brabant wallon qui, avec 3 personnes, assure des permanences dans 9 hôpitaux sur 11. « Évidemment, si une demande vient d’un hôpital non couvert, nous veillons à y répondre dans les plus brefs délais. Il y a une continuité de services à assurer. »

Quant au profil des conseillers, il est majoritairement féminin et retraité. « Les motivations des candidats sont par contre très variées, allant de la défense de la laïcité à la volonté de consacrer du temps aux patients dans les hôpitaux. »

La reconquête de la neutralité

Ces dernières années, le SLP est par ailleurs de plus en plus sollicité par des hôpitaux et leur direction pour travailler avec le personnel sur la notion de neutralité et avec elle, celle de laïcité. « Des membres du personnel viennent avec leur propre grille de lecture, qu’elle soit culturelle ou religieuse, pour traiter un patient. Ce qui peut poser parfois problème », explique Andrée Poquet. « Face à une telle problématique, le conseiller laïque est là pour mettre un peu d’huile dans les rouages de l’institution afin que le patient soit respecté. Il est en quelque sorte un médiateur. »

Une réalité constatée par Dan Lecocq de l’École de santé publique. Au niveau de la place des convictions religieuses dans les hôpitaux, il y a, selon lui, beaucoup de choses qui relèvent du domaine de l’implicite. « Il y a très peu de réflexion de la part des professionnels de la santé quant à l’affiliation philosophique ou religieuse de l’institution dans laquelle ils travaillent. »

Mais à ses yeux, au-delà de la question de la neutralité, l’enjeu premier concerne la définition du rapport entre le patient et le professionnel de la santé. « Un rapport souvent paternaliste qui doit être entièrement repensé. Le professionnel, en s’appuyant sur ses convictions personnelles, ses connaissances scientifiques, énoncera ce qui est bien pour le patient qu’il accompagne, sans s’intéresser à son propre chemin de vie, à ses propres valeurs. »

Pour Dan Lecocq, s’il n’y a pas une réelle réflexion sur un accompagnement pluraliste et respectueux du patient, tant au niveau de la formation des professionnels que des institutions hospitalières, on risque de naviguer en eaux troubles et d’aboutir à des solutions compliquées, voire douloureuses. D’autant que le système de soins de santé a contribué à brouiller les cartes. « Les autorités publiques ont progressivement mis sur un pied d’égalité les hôpitaux publics et les institutions privées, à caractère confessionnel ou pas. »