Malgré une législation claire, les femmes enceintes sont sujettes à des remarques déplacées ou à des freins opérés au niveau de leur carrière, dès l’annonce de « la bonne nouvelle ». Afin que ce type de discriminations ne s’institutionnalisent pas, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes s’est penché sur cette problématique. Analyse.
La loi (1) est claire: toute discrimination perpétrée à l’encontre des femmes dans le domaine des relations de travail et fondée sur la grossesse, l’accouchement ou la maternité est non seulement intolérable, mais illégale. Au travers de sa campagne «Maman reste à bord», l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) souhaite sensibiliser les employeurs et les travailleuses enceintes à la protection légale contre les traitements défavorables au travail liés à une grossesse, une maternité ou à un désir d’enfant. Il ressort de l’étude «Grossesse au travail», réalisée à la demande de l’IEFH (2), que plus de trois femmes sur quatre sont victimes de l’une ou l’autre forme de discrimination au travail du fait de leur grossesse.
En 2016, un peu plus d’un tiers des signalements adressés à l’Institut concernaient, totalement ou en partie, leur situation professionnelle. D’ailleurs, près de 38% des signalements en matière d’emploi en général concernent une discrimination relative à la grossesse et à la maternité. Ce chiffre élevé donne à réfléchir, d’autant plus qu’il augmente d’année en année.
Les sources de cette discrimination sont diverses, mais le manque d’information relative à la législation et/ou à la gestion administrative en cas de grossesse, tant du côté de la travailleuse que de l’employeur, est régulièrement pointé du doigt. Les discriminations et préjugés vont de la réflexion sexiste jusqu’au licenciement abusif.
La loi punit pourtant les discriminations directes – par exemple le refus d’engager une personne pour cause de grossesse ou de préjudice financier –, mais aussi les discriminations indirectes, comme un refus d’appliquer la législation de protection de la grossesse (pauses allaitement, droit au congé de maternité, absence d’analyse de risques…). L’injonction de discriminer, tel que demander à un chasseur de têtes de ne pas recruter de femmes enceintes ou de femmes en âge d’être enceintes, est également interdite, cela va de soi. De même que le harcèlement fondé sur le sexe, qu’il s’agisse de remarques déplacées à l’encontre d’une femme en raison de sa grossesse ou l’édification d’un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant, voire offensant.
Un frein persistant à la carrière
L’étude «Grossesse au travail» pointe aussi une réalité plus insidieuse: la moitié des femmes enceintes qui cherchent du travail ne se portent pas candidates, estimant que cela serait inutile. Il est à noter que 12% des travailleuses ont subi un préjudice sur le plan financier ou de la carrière suite à leur grossesse.
Plus flagrant, mais encore faut-il pouvoir le prouver, 6% des femmes qui ont composé le groupe de recherche de l’IEFH ont été licenciées en raison de leur grossesse ou ont démissionné suite à un mauvais traitement, à la dégradation des relations de travail ou à la pression exercée par leur responsable en raison de leur grossesse. Parmi les ouvrières, cette proportion grimpe même à 24%.
Ainsi, il ressort que dans la discrimination relative aux postes à responsabilités, presque toutes les femmes sont logées à la même enseigne, mais avec des différences au niveau des «rétorsions»: les employées hautement qualifiées et les cadres ratent deux fois plus souvent une augmentation salariale que les autres, tandis que les ouvrières sont licenciées quatre fois plus souvent que les employées. Les femmes occupant une fonction dirigeante sont les plus vulnérables concernant le congé de maternité, ce dernier n’étant pas respecté deux fois plus souvent que parmi les employées et trois fois plus souvent que parmi les ouvrières. De même, 23% des travailleuses ayant un statut précaire ont vu leur contrat de travail non reconduit ou le CDI promis initialement leur passer sous les yeux.
Être proactifs pour éviter les discriminations
Dès lors, face à ces constats, quelles recommandations formuler, quelles bonnes pratiques mettre en place? Plusieurs pistes sont envisageables et recommandées par l’IEFH, parmi lesquelles, celle d’organiser une meilleure diffusion de la législation en vigueur. C’est un minimum! Mais le fait de favoriser l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, de prévoir un remplacement temporaire pour les femmes absentes durant leur congé de maternité, une sensibilisation concernant les pauses et congés d’allaitement, de rendre les analyses de risques plus transparentes et faciles d’utilisation, permettraient d’engager les différentes parties concernées dans un processus proactif afin d’éviter d’atteindre le stade de la discrimination.
Ces chiffres appellent une réaction urgente dans la mesure où ce type de discrimination dissuade les femmes enceintes et les jeunes mères de poursuivre leur carrière en fonction de leurs ambitions et envies. Un paradoxe face aux pressions d’activation des citoyens en âge de travailler, sur marché de l’emploi qui ne respecte pas toujours les droits et les lois de la moitié de la population.
(1) Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, M.B. 30 mai 2007
(2) «Grosses au travail. Le vécu et les obstacles rencontrés par les travailleuses en Belgique», Bruxelles, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2010. À télécharger gratuitement sur http://igvm-iefh.beligum.be