Cela n’aura échappé à personne: les intimidations envers les étrangers illégaux font l’objet d’une attention forcenée ces derniers temps. Avec une nette impression que des limites sont chaque jour transgressées, dans une atmosphère de quasi-normalité. Après les débats amers sur les visites domiciliaires, sur le renvoi des réfugiés soudanais, c’est au tour des artistes sans-papiers d’être dans le collimateur du gouvernement. Facile, lorsque ceux-ci se produisent publiquement. Il n’y a qu’à ouvrir les portes pour se servir. C’est ce qui est arrivé au sein des murs du centre artistique bruxellois Globe Aroma en février. Que la police fédérale embarque des artistes en pleine représentation démontre que le concept de limite est allègrement bafoué. Car s’il est tout aussi interpellant d’emmener des sans-papiers blottis au sein de leur tente de fortune, ici, la symbolique frappe encore davantage les esprits. L’image n’est pas belle à voir!
Mais surtout, cela déconstruit tout le travail effectué par le tissu associatif et culturel qui tente de pallier les manquements des pouvoirs publics envers des êtres humains en quête d’une vie meilleure. Le centre artistique bruxellois Globe Aroma, qui bénéficie de subventions publiques – on aurait envie de dire paradoxalement – mise sur la rencontre, le tissage de liens entre Bruxellois et primo-arrivants, au travers de projets artistiques participatifs. Un travail sensible, où la confiance est primordiale. Comment convaincre de nouveaux artistes réfugiés de se joindre au projet? De faire le pari de trouver une place, temporaire ou pas, au sein de notre société, si leur présence en ces lieux peut signifier d’être embarqués par la police? Comment stimuler la participation des citoyens belges dans ces conditions? Le domicile, une scène artistique, un campement de fortune, des gares: quelles seront les prochaines étapes? D’autres lieux de représentations? Les hôpitaux? Les enceintes de CPAS?
L’un des rôles de la culture consiste à porter des voix critiques dans la société, à nous faire réfléchir, mais aussi à tisser des liens, créer des ponts entre humains d’horizons différents. En toute liberté. Cette perquisition salit ce sentiment et l’élan positif, constructif, qui se dégagent de ce type d’initiative. Entrer en résistance semble être la seule réponse au climat actuel. Avons-nous déjà oublié qu’après Charlie, après les attentats qui ont touché nos pays, face à l’épineuse question de la radicalisation, nous nous étions accordés sur le rôle primordial de la culture pour construire un tissu social plus harmonieux et solidaire? Ces coups de canif supplémentaires à nos valeurs démocratiques s’inscrivent-ils dans une campagne pré-électorale qui surferait sur les relents de populisme qui gangrènent déjà les pays voisins? Espérons que non. Gageons surtout que le bon sens populaire condamnera largement cette vision d’un monde clivé, aux relents nauséabonds et aux idées dangereuses.