Il était une fois un pays beau, riche, accueillant, tout au milieu duquel siégeait un vieux roi, Agénor, qui cherchait à marier sa fille, Europe, au meilleur parti. L’idée vint alors à ce sénile monarque d’organiser un concours de Tyr pour éprouver la valeur véritable d’une pléthore de preux prétendants. «Celui qui débarrassera mon royaume des monstres qui le saccagent, s’y enkystent et le rongent, j’ai nommé les migrants, ce bienheureux-là, courageux parmi les courageux, aura l’insigne honneur de pouvoir passer la bague au doigt de ma fille et la corde au cou de ces sauvages.»

L’on fit donc la file et des princes divers se présentèrent. (Il est bien dommage que les nobles ne boycottassent pas un défi si stupide, ç’aurait été tellement mieux qu’ils le boudassent tous, mais non, ils vinrent, et même en nombre.) Plusieurs rivalisèrent d’adresse et de cruauté, mais aucun ne vainquit vu que, des migrants, il en arrivait toujours plus et que l’on n’en était jamais quitte. On avait beau multiplier les gardes, ces fouines trompaient leur vigilance. Ériger des murs, onéreux au surplus, c’était s’exposer à ce qu’on passât dessous, dessus, au travers. Inciter les gens à la dénonciation, décourager les initiatives philanthropes, c’était perdre beaucoup de son temps, de sa salive, de sa bonne humeur.

Le roi congédia donc les piteux concurrents et tout aussitôt plancha sur des projets de karcher. Sur ces entrefaites, il barricada son héritière dans l’une des nombreuses pièces vides de sa forteresse de plus en plus terne et triste.

Elle terrorisait les servantes – rien que des profiteuses, qui viennent voler l’emploi des braves gens du coin ! Brodait des tapisseries inutiles – que de savants entrelacs, et remplis de motifs très judicieux! Faisait des réussites, jouait au jeu de l’oie toute seule, en un mot comme en mille s’étiolait.

Lorsqu’elle ne fut plus qu’un tout petit machin ratatiné qu’aurait dû fertiliser l’étrangère semence du voyageur lointain et de la différence exotique, elle creva.

Bien fait.