Cachez-moi ce climat qui claque, qui fait tic-tac, mais que l’on se tacle d’ignorer. Les marches pour le climat sont-elles utiles et peuvent-elles véritablement interpeller le politique ? Décryptage par Cathy Clerbaux, chercheuse en Sciences de l’atmosphère et du climat, directrice de recherche au CNRS (Paris), professeur à l’ULB.
« Les marches dans l’absolu ça ne sert à rien… mais c’est quand même une tentative ultime pour tenter de faire bouger les choses ! Je trouve important que les gens se mobilisent et y croient. Cela donne un message clair et le timing actuel est bon pour mettre la pression sur le politique, à quelques mois des élections. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte pour faire mouche. D’abord, le nombre de personnes qui participent à ces marches : 75000 en décembre dernier, c’est important. Mais aussi qui les organise. Les dernières marches portées par les jeunes me semblent pouvoir avoir plus d’impact que d’autres, car le fait qu’ils manquent l’école pour participer à ces manifestations démontre qu’ils accordent du crédit aux travaux des scientifiques et qu’ils sont préoccupés par leur avenir. Ma fille a participé pour la première fois à une manifestation dans ce cadre-là et elle est véritablement mobilisée face aux enjeux. L’inspiration provient certainement de Greta Thunberg, étudiante suédoise de 15 ans, devenue figure de proue de la mobilisation des jeunes pour le climat. Près de 35 000 jeunes un jeudi de janvier sous la pluie dans les rues de Bruxelles, c’est impressionnant. Il y a aussi des initiatives comme l’association Grands-parents pour le climat qui s’associent au mouvement et se soucient de l’avenir pour leurs petits enfants, ce qui renforce le message.
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Mais le changement réclamé demande du courage politique, car c’est un investissement sur le long terme. Les jeunes ressentent sûrement plus cette échéance puisque les prévisions actuelles portent à 20 ans et plus, et ils savent qu’ils seront alors adultes, et qu’ils auront eux-mêmes des enfants, donc cela leur parle. Le fait qu’ils soient tous connectés leur donne aussi une autre vision du monde. Ils sont peut-être plus solidaires. Ces manifestations, c’est également une porte d’entrée pour s’investir dans la société. Pour eux, ces marches, ce n’est pas de la politique, c’est un geste sociétal.
Je suis extrêmement optimiste par rapport aux jeunes, car leur façon de vivre est différente de celle des adultes. Lorsque j’avais 18 ans, nous voulions absolument passer notre permis au plus vite, même si nous n’avions pas de voiture. Aujourd’hui, cela ne les préoccupe plus vraiment, ils ont d’autres voies d’émancipation par rapport à leurs parents. La voiture n’est plus synonyme de liberté et ce n’est plus un marqueur social. Leur cadre est différent et la problématique environnementale en fait partie. Ils sont plus conscientisés que nous ! »