Espace de libertés | Février 2019 (n° 476)

Coup de pholie

« Mon Européenne c’est pas la Bruxelles
Mon Européenne c’est pas Genève
C’est pas la thune tu marches ou crèves
Tu sais moi mon Européenne
Elle a pas vraiment de frontières
Son corps c’est la planète entière […]
Elle est keupon rat sur l’épaule
Elle est tatouage de la taule
Elle est accordéon sanglot
Elle est accorde-moi un tango
Elle est destin des origines
Elle est racine gréco-latine
Elle est contre l’union bancaire
Elle est mes révolutionnaires », chante Damien Saez.

2020, l’odyssée de l’espace flirte avec un trou noir. Des fœhns, des vortex galactiques s’approchent de la planète Terre. Voilà deux ans que le vaisseau spatial erre, enregistrant la vie du corps céleste apparu il y a quatre milliards et demi d’années. Alors qu’ils prospéraient depuis des millions d’années, une extinction massive menace les systèmes biotiques. Apparus il y a 480 millions d’années les plantes, 400 millions d’années les insectes, 220 millions d’années les mammifères, 60 millions d’années les primates, 7 millions d’années l’homme. Diagnostic : anéantissement de la biodiversité, de la faune, de la flore en moins d’un demi-siècle, 60 % du monde animal assassiné, un quart de la population mondiale menacée par la sécheresse, la crise climatique.

Le vaisseau tangue, la précision des images capturées glace d’effroi. Le dictateur yankee, le tyran brésilien, les vagues brunes en Europe jouent à la roulette russe avec le monde. Zoom avant, Masai chassés de leurs terres au profit de chasseurs putrides, Amérindiens résistant aux lobbies, forêt amazonienne se soulevant contre le climato-négationniste dément. Lueur d’espérance : du Nord au Sud, des opposants au désastre construisent des contre-feux, s’emparent de forêts, d’océans, de villes, expulsant les oligarques. Focus sur la Grèce : le peuple a reconquis ses îles, son patrimoine, sa liberté. Focus sur l’Afrique : les nouveaux colons, les braconniers des êtres et des âmes, les pilleurs plient bagage, la colère salvatrice gronde. Venu des étoiles, un chant percute le vaisseau. « Rassemblons fervemment cette promesse surhumaine faite à notre corps et à notre âme créés : cette promesse, cette démence ! L’élégance, la science, la violence ! […] Nous avons foi au poison. Nous savons donner notre vie tout entière tous les jours. Voici le temps des assassins. » Le poème de Rimbaud tournoie au-dessus de la Terre.