T.D., jeune Guinéenne incarcérée au centre de transit Caricole, raconte son parcours migratoire : l’arrivée en Belgique, la demande d’asile, le refus, l’irrégularité, l’arrestation et l’attente de l’expulsion. Elle n’a plus de visage, plus de voix non plus : les sous-titres parlent pour elle. Et les images dansent telle une ballerine devant les hautes grilles du centre fermé inauguré en mai dernier près de Zaventem. Dans la vidéo du même nom que le bâtiment en forme de spirale, l’artiste-plasticien Michel Lorand fait surgir de manière paradoxale une création inattendue selon le procédé de la disparition, véritable force de l’oubli, qui lui est propre et familier. Un procédé qui colle à la dure réalité des milliers de sans-papiers qui vivent en Europe. Et de T.D., a fortiori, « disparue » derrières les murs de son centre. Apparitions dues à la contingence rendues possibles par Caricole, une expo et un livre, tous deux consacrés à ces « invisibles » des temps modernes dressent elles aussi « le constat d’échec d’une gestion apaisée et fluide des déplacements de population dans le monde » et « témoigne de l’aveuglement et de l’immobilisme de nos politiques européennes ». Le corpus qui en rend compte – films, photos, interviews, documents, livres, débats – est dramatiquement riche. Le livre, qui n’est pas le catalogue régulièrement associé à une expo, rassemble quant à lui les compte-rendu d’entretiens de personnalités-clés telles que François De Smet, directeur de Myria et auteur de La marche des ombres (Liberté j’écris ton nom, 2015), Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la Ligue des droits humains, ou encore Claire Rodier, directrice du Groupe d’information et de soutien des immigrés et co-fondatrice du réseau euro-africain Migreurop. Une parole plurielle nous permet de confirmer l’existence d’une justice migratoire et de politiques réalistes, justes et humaines qui respectent le droit fondamental de tout être humain à la libre circulation.