Espace de libertés | Février 2019 (n° 476)

Zoom sur la prévention: espoir permis!


Dossier

Devenant une politique spécifique au sein de l’aide à la jeunesse, la prévention doit permettre de réduire le nombre de jeunes en difficulté ou en danger. Le but: éviter l’intervention des services d’aide ou de protection de la jeunesse!


Dans le nouveau décret, la prévention ne constitue plus un simple principe comme ce fut longtemps le cas en Fédération Wallonie-Bruxelles. Considérée comme un ensemble d’actions au bénéfice des jeunes vulnérables et de leurs familles, la prévention dispose désormais d’une définition claire et d’un cadre spécifique, visant l’émancipation, la responsabilisation ou la reprise de confiance en soi des jeunes et de leur famille en vue de réduire les risques de difficultés et les violences, exercées à l’égard du jeune ou par lui. Le décret précise également deux types de prévention: éducative et sociale. La première vise à atteindre des jeunes exposés à des difficultés et cherche à infléchir, dans le respect de leur libre arbitre, leurs trajectoires, afin d’éviter que les risques ne se transforment en événements. La seconde agit, en amont des risques, sur le contexte de vie afin de transformer la relation des jeunes avec leur environnement, en renforçant le lien social. Il s’agit d’être présent dans le paysage local de l’éducation et de la socialisation du jeune au même titre que l’école, la maison des jeunes, les initiatives culturelles et sportives et l’aide sociale générale. Une modification importante concerne, en outre, la possibilité de mener des actions de prévention des jeunes jusqu’à leurs 22 ans.

Le mot-clé du secteur

«Le terme de prévention est apparu assez récemment», rappelle Jacques Duchenne, président de la FLAJ (Fédération Laïque d’Aide à la jeunesse) et directeur du service AMO (Aide en Milieu Ouvert) de Jodoigne. «Il faut bien admettre que dans toutes les législations qui se sont succédé – et elles n’ont pas été nombreuses –, une série de mots sont revenus de manière lancinante comme aide ou protection, mais jamais la prévention.» Pourtant, aux yeux du président de la FLAJ, il s’agissait d’un sujet qui s’imposait à tout le secteur depuis longtemps, et ce, «si on voulait éviter que l’hébergement et la soustraction du jeune de son milieu de vie ne fassent trop de dégâts. Jusqu’à preuve du contraire, pour réintégrer un jeune efficacement, le meilleur moyen reste la prévention», poursuit Jacques Duchesne. «Longtemps, la prévention a pourtant été considérée comme peu efficace alors que tous les services qui en font travaillent sur une base méthodologique sérieuse, sur base de diagnostics sociaux… Et ce décret est la première véritable occasion de parler de ce sujet. Pour peu qu’on interprète bien le poids à donner à cette prévention», prévient-il. Selon le président de la FLAJ, elle concerne autant les services de milieu de vie comme les AMO qui s’occupent déjà du sujet que tous les autres services du secteur. «Il y a une importance transectorielle à donner à cette prévention. Elle est aussi importante au sein d’un AMO que d’une IPPJ (Institution Publique de Protection de la Jeunesse) parce qu’il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de réintégrer un jeune de manière harmonieuse dans son milieu de vie. Il faudra de toute manière travailler avec l’environnement du jeune pour que les conditions qui ont justifié le retrait de son milieu de vie ne se répètent plus.»

La nécessaire convergence des dispositifs

Dans ce cadre, de nouveaux dispositifs apparaissent avec le conseil de prévention et le chargé de prévention. Le premier est composé d’opérateurs locaux (commune, ONE, école…) au niveau de chaque arrondissement judiciaire et contribue à l’élaboration du diagnostic social et d’un plan d’action triennal. Il remplace les CAAJ (conseils d’arrondissement d’aide à la jeunesse). Le chargé de prévention assure, quant à lui, la promotion et le développement de la prévention à l’échelle de l’arrondissement. Il dirige également le service de prévention, dont la mission principale est de contribuer à l’élaboration des diagnostics sociaux, d’analyser les faits sociaux relatifs à la jeunesse sur son territoire et d’accompagner la réalisation des plans d’action du conseil de prévention de sa zone. Il apporte également son appui aux services AMO de sa zone, dans la réalisation de leur diagnostic social. Des moyens seront par ailleurs dégagés pour l’embauche de fonctionnaires.

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«Tous ces nouveaux dispositifs vont donner de la consistance à tout le travail de prévention mené localement auprès des jeunes par nos services», se félicite Jacques Duchenne. Mais ce n’est pas gagné non plus: le décret plante le décor et paraît superbe, mais il faudra voir quelle sera la qualité des différents acteurs au niveau de chaque conseil de prévention. «Là, tout peut être perdu ou gagné. Parce qu’au niveau de la police, d’un centre PMS ou d’une commune, chacun a sa définition de la prévention. Il faudra que le chargé de prévention arrive à orchestrer tout cela pour que tout le monde travaille dans le même sens. C’est l’humain qui sera déterminant pour que ces conseils de prévention ne se limitent pas à des coquilles vides», continue Jacques Duchenne.

Si la prévention est désormais consacrée dans le décret et à travers de nouveaux dispositifs, il ne faut pas se leurrer, poursuit le directeur de la FLAJ: «75% du budget de l’aide à la jeunesse reste affecté à l’hébergement. Même si le secteur a pris conscience de la prévention, beaucoup plus respectueuse de ce qu’est un jeune, les moyens restent limités pour les services qui s’occupent de cette prévention comme les AMO», ajoute-t-il. «Néanmoins, cette législature a permis de refinancer nos services pour soutenir des projets de proximité avec les jeunes et de nouveaux emplois.»