Maison de la laïcité de Kinshasa: prix Henri La Fontaine 2016
En décembre dernier, la Maison de la laïcité de Kinshasa, représentée par son président Nicaise Chikuru, s’est vu remettre le prix international Henri La Fontaine (conjointement avec Avocats sans frontières – voir article suivant). Cette distinction salue une initiative lancée en 2011 par des partenaires congolais et belges et qui vise la promotion des valeurs de la laïcité, le développement de la démocratie et des droits de l’homme, ainsi que le renforcement de la paix en République démocratique du Congo (RDC) et dans la région des Grands Lacs.
Le 20 juillet 1960, le Premier ministre Patrice Lumumba déposait son programme gouvernemental sur le bureau de la Chambre. On pouvait y lire notamment: « Le gouvernement s’engage à assurer […] les grandes libertés humaines, en tout premier lieu la liberté de religion. Le gouvernement empêchera par tous les moyens qu’une religion, quelle qu’elle soit, soit imposée directement ou indirectement notamment par la voie de l’enseignement. À cet effet, il proclame la séparation absolue entre l’État et les Églises. La République du Congo sera un État laïc, démocratique gouverné par le peuple pour le peuple. »
Une veille laïque indispensable
Bien que le caractère laïque de la RDC ait été confirmé par l’article 1er de l’actuelle Constitution du 18 février 2006, les laïques congolais ont estimé indispensable de mener un travail de veille pour assurer le maintien de la laïcité au sein d’une société traversée par des courants religieux antagoniques et par des menaces d’intolérances aux frontières. En août 2010, 18 associations non confessionnelles congolaises se réunissent s’engagent dans la création d’une Maison de la laïcité à Kinshasa (MLK). Des associations belges présentes en RDC ainsi que le CAL et ses régionales soutiennent le projet depuis sa création.
Dans le contexte d’instabilité et d’insécurité qui s’accentue actuellement, l’existence de la MLK et le travail qui y est mené en plein cœur de la capitale congolaise relèvent d’un défi permanent.
C’est le 23 juillet 2011, dans la commune de Limete, que la MLK sera finalement inaugurée. La MLK est un lieu de rencontre des associations non confessionnelles et de diffusion des valeurs laïques fondées sur le respect de la citoyenneté responsable de chacun. Dans le contexte d’instabilité et d’insécurité qui s’accentue actuellement, l’existence de la MLK et le travail qui y est mené en plein cœur de la capitale congolaise relèvent d’un défi permanent qu’il est important de soutenir et d’encourager. Aujourd’hui, elle dispose d’une salle de réunion, d’une bibliothèque et d’un centre de formation à l’informatique. Elle a également hébergé le premier service de planning familial créé à Kinshasa par une association membre. C’est une équipe composée de six personnes (directeur, animateur, hôtesse d’accueil, gardiens de nuit et jardinier) qui anime les activités.
L’éducation, une priorité
Dès sa fondation, la MLK a créé une revue, Congo Libertés, diffusée en RDC et en Belgique francophone et dont l’axe central est l’analyse des politiques de l’éducation, ses enjeux citoyens et la nécessaire mobilisation de la société civile pour le renforcement de l’école officielle et son accès à tous.
De 2013 à 2016, la MLK a organisé un cycle de formations destiné aux enseignants et aux militants de la société civile. Cette formation visait à préciser le concept d’éducation publique et portait sur la conception du système éducatif dans son ensemble. Les participants ont élaboré des fiches pédagogiques destinées aux écoliers et aux lycéens. Elles portent sur des thématiques liées aux valeurs républicaines, telles que la démocratie, la citoyenneté, la laïcité, la culture, mais aussi sur des questions sociales, telles le syndicalisme, la protection sociale, l’environnement et la prévention du VIH/SIDA. Le compte-rendu et les recommandations finales de cette formation seront publiés dans le courant 2017.
La MLK a également mis sur pied un cycle de trois ans de formation permanente des cadres des associations membres. Elle porte sur l’élaboration et l’acquisition d’outils pédagogiques favorisant le travail communautaire, la sensibilisation aux méthodes d’analyses sociales, telles l’analyse organisationnelle et l’analyse institutionnelle.
En outre, différents séminaires ont rassemblé des militants de la société civile sur des thèmes tels l’égalité des genres, le travail de la femme, le syndicalisme, le droit des jeunes, la gestion de l’environnement…
Formation militante et culture congolaise
En RDC, il n’existe pas de filière universitaire pour former les cadres de la société civile. De nombreux responsables se retrouvent ainsi à la tête d’organisations non gouvernementales sans aucune formation. Amenés à concevoir et rédiger des projets, à gérer des équipes et des fonds parfois importants – et malgré leur passé militant – ils rencontrent souvent des difficultés pour structurer et développer leurs actions. À leur intention, la MLK, en collaboration étroite avec ses partenaires, organisera des formations diplômantes.
La RDC est connue pour la richesse et la diversité de ses cultures. La MLK est un lieu d’animation et de valorisations des expressions culturelles dans leur diversité en vue du dialogue interculturel, de la culture de la paix et du développement et, bien sûr, de la démocratie. La MLK entend donc accompagner l’effort qui consiste à collecter, à conditionner, à manifester et à styliser la culture congolaise en vue de la promouvoir comme fondement premier d’une nouvelle vision de l’éducation. L’objectif est une diffusion et une appropriation des idéaux de la laïcité à travers le travail d’artistes et l’expression culturelle.
La MLK est également attentive à sa présence dans les associations laïques à l’étranger. Ainsi, elle est membre de la Fédération des maisons de la laïcité et elle est jumelée avec la Maison de la laïcité de Charleroi. Elle a fait part de son souhait d’être associée à un colloque africain sur la laïcité qui devrait se tenir prochainement au Burkina-Faso.
Les partenaires belges et congolais ont le projet d’acquérir une parcelle à Kinshasa en vue d’y construire un bâtiment permettant d’assurer dans les meilleures conditions possibles le développement de la MLK et le renforcement de ses partenariats. Cette solution vise à une meilleure maîtrise des frais de fonctionnement qui à terme devrait permettre une autonomie budgétaire plus large du projet ainsi que sa pérennité.