Eh bien oui, sans aucun doute. Dès sa création en 1947, l’Inde a en effet choisi délibérément le modèle de la laïcité, au contraire de son frère jumeau et ennemi, le Pakistan. Mais, comme on le sait, l’Inde est aussi le pays des religions et des spiritualités. Comment comprendre ce paradoxe apparent? Tout simplement parce que, pour les pères fondateurs de l’État indien, spiritualité et religion sont des choses différentes et que dans cet immense pays-continent qui compte, dit-on, 33 millions de dieux et de déesses, c’est bien évidemment le modèle laïque qui devait prévaloir sous peine de conduire très vite à l’éclatement et, sans doute, à la guerre de tous contre tous. Ce n’est ni du folklore, ni une simple pétition de principe. En témoigne le fait que ce caractère laïque a été une fois de plus réaffirmé par la Cour suprême le 2 janvier dernier lorsque cette instance juridique ultime a statué sur le fait que l’élection constitue bien un « exercice laïque ». Les juges ont justifié leur décision par ces termes: « L’État étant de nature laïque, il ne peut être identifié avec aucune religion ou dénomination religieuse. L’élection constitue un exercice laïque, tandis que le rapport entre l’homme et Dieu est un choix individuel. » On ne saurait être plus clair. Cette décision vient clôturer (?) des années de procédures provoquées par la montée en puissance de formations politiques qui instrumentalisent les identités religieuses. La première visée est le BJP, le grand parti nationaliste hindou qui est régulièrement accusé d’attiser la haine religieuse dans le cadre de ses campagnes électorales. Mais il n’est pas le seul. Le BJP a fait de « l’hindouité » son cheval de bataille et est actuellement au pouvoir à New Delhi. Le fait que la Cour suprême ait pu prendre une décision qui l’impacte frontalement est plutôt une bonne nouvelle quant à la vigueur du plus imposant des régimes démocratiques de la planète.
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