Espace de libertés | Septembre 2019 (n° 481)

J’ai (encore) climat ! Une opinion de Valérie Del Re


Opinion

Une nouvelle grève pour «sauver le climat » s’annonce en Belgique en ce mois de septembre, mais aussi ailleurs sur la planète. Les jeunes se sont fort mobilisés, mais la société civile en fait-elle assez ? Nous avons posé la question à Valérie Del Re, directrice de Greenpeace.


« Il est normal d’être déçu qu’après autant de mobilisation ces derniers mois, il n’y ait pas encore de résultat visible ou concret, tel qu’une loi climat par exemple. Mais c’est important de rappeler les changements observés depuis un an et plus particulièrement depuis la mobilisation de près de 75 000 personnes le 2 décembre 2018 et le travail effectué de concert par les 70 associations issues de la société civile belge, réunies dans la coalition climat. Auparavant, nous pensions qu’il serait formidable que le changement climatique soit mis à l’agenda des programmes électoraux, c’était un souhait ambitieux. Et cela s’est produit ! Il y a eu un déclic, particulièrement dans l’esprit de la population. Nous avons donc parcouru un bon bout de chemin, mais nous n’y sommes pas encore ! Et les marches peuvent contribuer à cela. Selon certaines théories analysant les changements historiques, on postule que si 10 % de la population est convaincue, cela permet d’implémenter un changement. D’autres théories estiment que dès que 3,5 % de la population descend dans la rue, cela peut renverser une dictature. Et en marketing, on projette que dès que 14 % de personnes consomment un nouveau produit (les early adopters), ils peuvent entraîner une masse critique de consommateurs. Il faut donc aujourd’hui convaincre qu’il s’agit d’un enjeu qui concerne tout le monde. Car il ne s’agit pas d’un problème qui relève de la gauche ou de la droite, ce n’est pas d’ordre idéologique, mais de l’avenir de notre planète qu’il s’agit. Même si l’on note un progrès, l’action de nos gouvernements à ce sujet n’est pas assez ambitieuse pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Nous devons aussi réussir à unir les efforts qui doivent être consentis par les sphères politiques, des entreprises, individuelles et de la société civile. Il faut édifier des ponts entre les différents acteurs. Pour cela, le premier objectif consiste à arrêter de recourir aux énergies fossiles. Le Danemark est un bon exemple à suivre : le pays devrait être carbone neutre d’ici 2025, car ils ont commencé à décarboniser toutes leurs activités. Au niveau individuel, selon une étude de l’Université d’Oxford, l’impact le plus important est de réduire sa consommation de viande, en devenant par exemple flexitarien, c’est-à-dire en ne consommant de la viande qu’une à deux fois par semaine. Et ensuite de se tourner davantage vers les transports en commun. Mais évidemment, les efforts de type individuel ne constituent que 25 % du ratio de réduction des émissions. Il faut donc absolument se focaliser sur les actions collectives et publiques, en décarbonisant l’agriculture et l’industrie, en investissant dans les transports en commun. Raison pour laquelle le levier politique est crucial afin de créer un cadre permettant d’atteindre ces objectifs. » (se)