Plus que jamais, nous avons besoin d’un manifeste post-cyborg qui repense de fond en comble et à nouveaux frais les connexions et interactions entre entités – qu’elles soient humaines ou non humaines, vivantes ou non vivantes, organiques ou inorganiques – et qui explore les possibilités d’un développement harmonieux au sein même d’un bios affranchi de la mainmise d’une technè qui rêve de le régenter. À terme, les biotechnologies ont pour visée de supprimer le bios au profit de la technè. Leurs incantations souterraines expriment un adieu à l’expérience (que celle-ci soit envisagée phénoménologiquement ou sous un angle vitaliste). En artificialisant la nature, on ne retrouve nullement sa richesse perdue, son indétermination : on les muselle en les mettant au pas. Une vigilance de tous les instants est primordiale, et la volonté de dénoncer la destruction de l’environnement, de Gaia, doit l’intensifier encore davantage.
L’Occident a fait de la vie (bios mais aussi zoè) l’objet d’une expérimentation qui la manipule, affirmant une métaphysique nihiliste pour laquelle la vie doit être vaincue, dépassée, régulée. Des valeurs décrétées supérieures à la vie ont décidé de ses évolutions, entravé ses libres devenirs. Pour qui entend faire barrage aux créatures, aux cerveaux génétiquement modifiés, aux êtres programmés, aux nanorobots esclaves d’une oligarchie toute-puissante, pour qui désire tracer un présent et un futur synonymes d’émancipation pour les acteurs humains et non humains interconnectés, la priorité est de freiner la dévastation de la Terre et d’y remédier par l’adoption d’une écosophie. Celle-ci rompt avec la mise au pas du vivant, un vivant connecté désormais à son propre vide, un vivant pixellisé, devenu écran de son écran, outil de son outil, qui n’a plus la force de se mettre en quête d’une sortie de l’anthropocène.
Le manifeste post-cyborg implique de nous prémunir contre tout ce qui, nous téléguidant, entraîne la domestication de l’« ex-nature » et de l’« ex-culture » et génère la production d’un gigantesque zoo humain et non humain. La vie se définit comme l’improgrammable, l’incontrôlable : sur ce réquisit, nous pouvons construire de nouvelles alliances entre les formes du vivant, sortir de la vision néfaste d’un cosmos dont l’humain serait le maître et le possesseur.