« C’est quoi être belge? » C’est la question que pose le jeune metteur en scène Ilyas Mettioui dans la pièce « Contrôle d’identités », qui tourne sur les planches bruxelloises et wallonnes depuis 2013. Ici, pas de discours moralisateur, aucune certitudes, mais un échange menant à la réflexion sur l’identité de chacun.
Ce n’est pas une histoire. Ce n’est pas non plus une leçon de morale. C’est une question ou plutôt une réflexion autour de l’identité. Dans un contexte où l’immigration enflamme les débats, la question de l’identité propre donne un autre angle d’approche sur ce qui définit un individu. Ilyas Mettioui, comédien et acteur de 26 ans, a mis en scène sa première pièce de théâtre à partir d’une simple question: « C’est quoi être belge? »
La pièce commence… « Je suis né en Belgique, je suis donc belge. Mes parents sont nés au Maroc et je suis donc marocain. J’ai vécu au Mexique pendant presque un an, du coup je suis mexicain. Même si je n’ai jamais été aussi belge qu’au Mexique. En 1998, j’ai été brésilien pendant la Coupe du Monde, même si à la mi-temps de la finale je suis devenu français. À 3-0, j’étais même fier de l’être. […] Le mur de Berlin est tombé, j’avais 1 an et j’étais allemand. Par contre pendant la Seconde Guerre mondiale, je n’étais pas allemand. Puis un jour, on m’a dit que j’avais tort. »
« Contrôle d’identités »: la naissance d’une réflexion
Nous avons tous un passé, une histoire, un parcours unique qui nous définit comme cet être aussi complexe que nous sommes. Si le fil conducteur se tend sur la question de l’identité nationale, la réflexion globale autour de la pièce s’opère bien au-delà de ce thème. Est-on amené à n’avoir qu’une seule identité? Ne sommes-nous pas pluriel et un à la fois? Ilyas Mettioui et son collectif de jeunes acteurs décloisonnent, bousculent les clichés de l’identité au sens large du terme avec des questions comme « qui suis-je? », « qu’est-ce qui fait que je me sens moi? ». Les thèmes de l’origine, de la culture, du genre, de l’appartenance sociale et religieuse sont abordés. Un gigantesque brainstorming autour de l’identité se développe. Aucune certitude, aucune réponse ne sont données. Et cela peut déranger. Le collectif exprime tout haut ce que nous pensons tout bas. Depuis novembre 2013, la pièce est jouée dans divers lieux culturels. Elle évolue à chaque représentation et suscite des réactions différentes à chaque fois. Certains accrochent totalement, rient, adorent. Certains sont choqués ou quittent la salle. D’autres encore sont perdus face à cette multitude de questions sur soi. Mais qu’importe! L’objectif est atteint: on s’est posé « la » question. À présent, la réponse nous appartient, dans l’introspection et l’échange avec l’Autre. Les acteurs sont disponibles après la pièce pour poursuivre la discussion avec le public. Et puis, ce n’est jamais terminé. La pièce continue en dehors des murs du théâtre (et se prolonge même sur les écrans, NDLR (1))).
Le théâtre et son rôle de conscientisation dans l’espace public
Contrôle d’identités accompagne le public à penser au-delà des acquis de l’identité. À nouveau, la création artistique joue un rôle initiateur de réflexion et de débat. Si la question « c’est quoi être belge? » ne semble pas évidente, c’est sans doute parce qu’il est très complexe de définir une personne uniquement par son appartenance nationale. Un individu est bien plus qu’une carte d’identité avec les nom, prénom, date et lieu de naissance. Les médias, les mœurs, la pression sociale peuvent parfois nous détourner de l’essentiel: l’humain, cet être singulier et pluriel à la fois. Le retour vers une question fondamentale et profonde permet au public de se repositionner et de penser autrement face à des thèmes polémiques comme l’immigration, la religion, l’homosexualité, le genre, etc.
La jeunesse: cible de la réflexion
Ilyas Mettioui n’hésite pas à user de moyens modernes dans la mise en scène. Vidéos, sons, chants, danses, le tout pensé avec humour et un langage « jeune ». Car c’est tout de même les nouvelles générations que le metteur en scène souhaite atteindre. C’est eux qui construisent l’avenir. C’est donc à eux qu’appartient de développer leur esprit critique face au monde qui les entoure. Mais avant de critiquer ce qui nous entoure, il faudra apprendre à se connaître soi-même et comprendre l’Autre, différent. L’écrivain Amin Maalouf l’énonce si justement dans son ouvrage Les identités meurtrières: « L’évolution pourrait favoriser, à terme, l’émergence d’une nouvelle approche de la notion d’identité. Une identité qui serait perçue comme la somme de toutes nos appartenances, et au sein de laquelle l’appartenance à la communauté humaine prendrait de plus en plus d’importance, jusqu’à devenir un jour l’appartenance principale, sans pour autant effacer nos multiples appartenances particulières. »
(1) Ilyas Mettioui a réalisé un documentaire du même nom avec des jeunes issus de quatre écoles bruxelloises et qui est sorti en salles en 2014.