Découverte un peu par hasard à Louvain, la « flipped classroom » évacue la partie transmissive hors de la classe pour redonner à cette dernière son potentiel d’apprentissage et de co-apprentissage.
Compilant des recherches et réflexions relatives au concept de classe inversée, cet article tend à éclairer le lecteur sur ce que ses « adeptes » appellent une philosophie. Ces réflexions sont consécutives à une remise en question concernant les méthodes d’apprentissage en classe et la relation apprenants/parents et apprenants/enseignants lors des cours.
La participation active comme clé de l’apprentissage
Le Français Joseph Jacotot (1770-1840) est le véritable initiateur du concept de classe inversée. À l’Université d’État de Louvain, chargé d’enseigner le français à des étudiants dont il ne comprend pas la langue, il leur demande d’étudier une édition bilingue du Télémaque de Fénelon. Par l’étude du texte et de sa traduction, et sans explications du maître, les étudiants se révèlent capables d’appréhender le fonctionnement de la phrase en français et de raconter en français ce qu’ils ont compris du roman. Cette expérience conduit Jacotot à proposer une méthode d’enseignement qui s’oppose à la méthode classique en ce qu’elle repose sur la révélation de la capacité d’apprendre par lui-même à l’individu plutôt qu’au transfert du savoir du maître à l’étudiant. Sa nouvelle méthode d’ »enseignement universel » vise à « émanciper les intelligences ». Théorisant son expérience, il prétend en effet que tout homme, tout enfant, est en état de s’instruire seul et sans maître, qu’il suffit pour cela d’apprendre à fond une chose et d’y rapporter tout le reste, et que le rôle du maître doit se borner à diriger ou à soutenir l’attention de l’élève. Il proscrit ainsi les maîtres « explicateurs » (1). Les classes inversées étaient déjà en route… bien avant les professeurs américains Jonathan Bergmann et Sams Aaron (que l’on présente souvent comme les pionniers en la matière, NDLR).
L’intime conviction du pédagogue que je suis est que les pratiques d’enseignement doivent changer car l’enseignant est de plus en plus en décalage avec des jeunes apprenants parfois démotivés et démotivants, mais qui semblent cependant accrocher à la matière lorsqu’on leur propose les outils qu’ils affectionnent, en lien avec le monde numérique.
Les devoirs d’abord
Le concept est très simple: le temps de classe est mieux utilisé si l’on interagit et travaille ensemble plutôt que de laisser une seule personne discourir. Le fonctionnement est le suivant: les élèves reçoivent le cours sous forme de ressources en ligne qui sont la plupart du temps des capsules vidéos qu’ils vont pouvoir regarder chez eux à la place des devoirs. Ce qui était auparavant fait à la maison sera désormais fait en classe, d’où l’idée de classe « inversée ». En réalité, on va surtout profiter du temps libéré en classe pour organiser des activités à la carte, des projets de groupe et des échanges qui vont donner un vrai sens au contenu scolaire. La finalité est de passer d’un modèle centré sur le professeur à un modèle centré sur l’apprenant et répondant aux besoins individuels de chacun. Le temps en classe sera dédié au développement des compétences, des savoir-faire et des savoir-être.
Il semble fondamental d’expliquer aux apprenants, ainsi qu’aux parents, la démarche et tous les bénéfices en terme d’apprentissage et de confort. Le savoir devient accessible en tout temps et en tout lieu, sur tous supports. Les apprenants vont, de façon autonome et responsable, prendre en main leur apprentissage. S’ils coopèrent, la classe sera plus dynamique et plus agréable pour tous, et l’enseignant pourra appliquer une pédagogie diversifiée et propre à chacun (2).
Ce moyen d’accroître l’interaction et le temps de contact personnalisé entre les apprenants et les enseignants est donc très prometteur. Selon Jonathan Bergman et Aaron Sams, la classe inversée est:
- un environnement où les étudiants prennent la responsabilité de leur propre apprentissage et une salle de classe où l’enseignant n’est plus le maître du savoir, mais un guide, un expert, un conseiller, un tuteur…;
- l’apprentissage de l’autonomie et de la démocratie;
- un mélange d’enseignement direct et de pédagogie modulaire, diversifiée, constructiviste;
- une salle de classe où les apprenants qui sont absents pour cause de maladie ou d’activités extrascolaires comme le sport, les voyages, ne se laissent pas distancer;
- un enseignement où les contenus sont accessibles de manière permanente pour les auto-évaluations, les évaluations, la remédiation (3).
Il est à noter que le concept de classe inversée est de plus en plus répandu en France, aux États-Unis, au Québec et que la Belgique commence à s’y intéresser.
(1) Source: Wikipédia.
(2) Source: www.classeinversee.com.
(3) Jean-François Boyer, « Compte rendu d’une stratégie de classe inversée en collège », mis en ligne le 1er septembre 2014, sur http://histoire-geographie.ac-dijon.fr.